Après avoir multiplié les écoutes du fabuleux « Feary Tales For Strange Lullabies : The Dome » et profité de leur grand retour sur scène le 16 octobre dernier au Forum de Vauréal, la rédaction de METAL FRANCE MAGAZINE a retrouvé avec enthousiasme ses chers Nicko (guitares) et Florent (chant) pour en savoir plus sur ce 6:33 Nouvelle Formule !
Quel bilan tirez-vous de votre passage sur scène en ouverture de PSYKUP qui, en plus d’être le premier concert depuis la sortie de l’album, est aussi le premier sans les masques et avec le nouveau lineup ?
Nicko – C’était super sympa ! Pour être honnête, on a failli refuser la date, car le temps de préparation était très court, avec les nouveaux arrivants dans le groupe, et toutes les choses à remettre en route… Au final, ça a été une opportunité de nous bouger, de tester les nouveaux morceaux, et on a eu raison de s’imposer cette deadline.
Bien sûr, ça faisait du bien de reprendre la scène après tout ce temps, et il y avait vraiment une bonne ambiance. Certaines personnes présentes m’ont dit que c’était la première fois qu’ils remettaient les pieds dans une salle de concert depuis des mois !
Manu (basse) et Cédric (batterie) se sont éclatés. Dès le début, on avait proposé à Cédric de simplifier certaines parties jouées par la boîte à rythme sur les albums, mais il a quand même tenu à coller à la version originale !
Quant au fait de supprimer les masques, toutes les raisons qui me poussaient à les abandonner se sont confirmées en jouant…
Flo – Personnellement, j’ai longtemps été attaché à l’image du groupe, et j’avais peur que l’abandon des masques nous desserve. Il a fallu passer par un long processus pour en arriver là. Ceci dit, les masques étaient contraignants, et après les confinements, c’était moins drôle, et on en avait ras le bol.
Il y a quelques temps, un ami m’a confié avoir mis des plombes à écouter « Deadly Scenes » (2015) parce que, je cite, avec nos « têtes de mangeurs de bébés », il s’attendait à quelque chose de beaucoup plus violent. Ça a été la goutte d’eau ! Je pense qu’on se coupait d’une grosse partie d’un public qu’on pouvait toucher avec notre musique, et les masques nous faisaient passer pour quelque chose que nous ne sommes pas. On n’a pas vocation à jouer les méchants comme SLIPKNOT, ou à cacher notre identité comme DAFT PUNK.
Quand je joue avec DOGTOWN, mon groupe de reprises, on me dit que je transmets beaucoup de choses rien qu’avec mes expressions, et c’est précisément ce qui manquait chez 6:33.
C’était donc le moment de proposer cette nouvelle formule. Avec l’arrivée de Cédric, on voulait aussi rendre un truc plus rock’n’roll, plus efficace… Je pense qu’on va y gagner en connivence avec le public.
Est-ce que le côté « rock’n’roll » est la raison pour laquelle vous avez finalement décidé d’inclure une batterie, pour la première fois de l’histoire de 6:33 ?
Flo – Il y a plusieurs choses : Emmanuel Rousseau, qui s’occupait des programmations de batterie, s’est retiré du groupe afin de se consacrer à la compo’ de musiques de films et de jeux vidéo. Manu était quand même présent pour les programmations de « The Dome », mais on ne sait pas encore comment on procèdera pour la suite. Je pense donc qu’on aura besoin de l’appui d’un batteur pour composer. Bien sûr, on prend toujours en compte les conseils de Manu, qui joue un peu le rôle de garde-fou pour Nicko, d’autant qu’il a beaucoup de talent, et une sacrée culture musicale !
En plus de cela, on a eu beau faire tout ce qu’on a pu pour rendre la batterie le mieux possible sur scène, il manquait au public l’impact d’une vraie batterie, avec la double pédale qui fracasse la scène, les vibrations physiques que cela entraîne… Au final, on est super contents de notre choix. Qu’est-ce que c’est bien de jouer avec un batteur ! Surtout de voir les parties de batterie programmées réellement jouées. Cédric est une vraie machine : quand on a entendu le test qu’il nous avait envoyé pendant les auditions, Manu était presque vexé de voir qu’il parvenait à jouer en vrai ses programmations !
Que ce soit à la batterie ou à la basse, on a eu de la chance : c’était les seuls qui faisaient vraiment l’affaire. Humainement comme techniquement, il n’y avait pas photo.
Revenons sur le concert du 16 octobre dernier : pourquoi avoir choisi Party Inc, Holy Golden Boner et Act Like An Animal dans votre setlist ?
Nicko – Il y a une certaine positivité qu’on retrouve dans ces trois titres, comme dans Party Inc. qui prend toute son ampleur sur scène. Pour les prochains concerts, on va prendre en compte les retours qu’on a eus, mais on est ravis de voir que les deux grands favoris font déjà partie de notre setlist : avant ce concert-là, on avait encore des doutes sur l’efficacité de certains morceaux en live, comme par exemple Release The He-Shes, du fait qu’il soit très electro. Mais des proches nous garantissent qu’il serait mortel en concert ! Du coup, il n’est pas impossible que nous sortions prochainement un clip pour un de ces morceaux…
Avec l’arrivée de la batterie, l’écran central qui vous avait accompagnés sur les dates de la tournée précédente a disparu…
Flo – C’est vrai, et pour l’instant, il n’y en aura pas. Avec les confinements, on n’a pas pu se voir suffisamment pour filmer de nouvelles saynètes, mais on va bientôt se pencher sur la question au vu des dates en tête d’affiche.
Avoir un batteur change la donne : on ne veut pas se priver des salles un peu plus petites. L’« Asylum Picture Show 2.0 » était un projet assez ambitieux, peut-être même un peu trop… Désormais, on peut se permettre de jouer en config’ « rock », de partager des dates avec d’autres groupes à l’étranger, et de ne pas être tributaires de cet écran imposant qui met du temps à être installé.
Malgré cela, on a conservé ou rajouté des éléments, comme la boule à facettes, les dalles qui s’allument, les néons années 1980… Notre petite lighteuse Bertie est toujours au taquet !
On trouve des harmonies vocales encore plus travaillées dans « The Dome », notamment les parties combinées avec Bénédicte, beaucoup plus présente au chant féminin que sur l’album précédent. Avez-vous travaillé ensemble sur ces parties-là ?
Flo – Non ! C’est Nicko qui écrit toutes les mélodies et les harmonies en amont. C’est un vrai chef d’orchestre, et un véritable génie de la composition. Moi, je me concentre sur le texte et l’histoire, mis à part quelques passages où j’insiste pour faire quelque chose d’un peu bizarre avec ma voix. J’essaie d’être un bon outil, et lui me pousse dans mes retranchements. Béné et moi nous sommes donc ramené en studio chacun notre tour, avec les lignes de chant déjà prêtes.
Bien sûr, mes paroles et mes concepts influencent toujours un peu Nicko. Par exemple, sur Animal, je voulais que ce soit brutal. Ce n’est pas quelque chose que Nicko écrirait naturellement. Je l’avais d’ailleurs un peu poussé sur I’m A Nerd et Black Widow, qui sont devenus les deux meilleurs morceaux de « Deadly Scenes ». Au final, il en est reconnaissant.
Nicko – Quand je compose, je ne suis jamais fermé aux idées extérieures. Ce que je dis toujours aux gars, c’est « je ne dis pas que mon idée est la meilleure, mais prouvez-moi juste que vous en avez une meilleure, et je serai le premier à le reconnaître ».
Pour Ego Fandango, quand Flo est venu m’en parler, je lui ai dit « je le sens pas, mais bon, teste, et on verra bien ». Et j’ai été content de me tromper !
Flo – C’est ce que j’entendais sur ce morceau, et je souhaitais à tout prix tester. Si ça nous plait, et si ça marche, on en mettra. Nicko n’est pas un fan de djent, et pourtant, certains riffs très saccadés de Party Inc. s’apparenteraient à ce style. De Michael Jackson à KORN en passant par Devin Townsend et les musiques traditionnelles à base de flûte et de cordes, on utilise ce qui nous permet de créer des images et des atmosphères.
Avez-vous le sentiment que vous pouvez tout inclure dans 6:33 ?
Nicko – Je pense, oui. La limite, c’est nos propres goûts. Une fois, j’écoutais un groupe avec une grosse pointe de reggae dedans. C’est quelque chose qu’on n’a jamais exploité, tout simplement parce que je déteste écouter ce style ! À aucun moment on ne s’est dit qu’on allait mettre tel genre, histoire de… Rien ne me paraît incongru dans ce qu’on décide d’intégrer, parce que ce sont des styles qu’on adore, qu’on maîtrise et qu’on a beaucoup écoutés quand on était gosses.
« The Dome » est même « chill » par moments !
Flo – Il faut dire aussi qu’on vieillit, on affine la patte… Le premier album était pas mal inspiré de groupes assez brutaux comme DILLINGER ESCAPE PLAN. Aujourd’hui, où on a envie de revenir à ce qui nous habite vraiment et ce qui nous a animés en tant que musiciens dans les « 1980s » et les « 1990s ».
Nicko – Pour la petite histoire, on m’a fait la remarque que la guitare est plus souvent en retrait sur cet album, et que ce n’est plus vraiment elle aujourd’hui qui mène la danse. En pensant le morceau dans sa globalité, tu ne composes plus via le spectre de ton instrument, et ce dernier devient secondaire. Tu ne te dis pas « je vais mettre des tartines, sinon je n’aurais rien à jouer en concert », tu en mets seulement s’il y en a besoin. Aujourd’hui, j’aurais du mal à composer juste avec une guitare. J’ai toujours envie de travailler avec les voix, les claviers… Il y a tellement de variantes possibles au niveau des voix et des couleurs !
« The Dome » contient clairement une bonne dose de claviers supplémentaire, comparé à « Deadly Scenes ».
Nicko – Complètement. Il faut dire que cela se prête bien à l’imagerie très « 1980s » qu’on a mise en avant. On s’est vraiment bien amusés avec Manu, à partir à la recherche de vieux synthés fabriqués à cette époque. Par exemple, la boîte à rythme sur Flesh Cemetery a servi sur des vieux morceaux ultra connus comme Radio Gaga de QUEEN, ou des morceaux de Phil Collins…
Avant, on ne se prenait pas la tête comme ça ! Ici, on a été chercher une couleur spécifique. On avait un cadre au niveau des années et on a vraiment essayé d’aller pêcher des instruments qui venaient de cette période-là pour retranscrire cette ambiance. On voulait aussi éviter de faire « fake ».
On retrouve cette imagerie rétro via les objets parsemés dans les photos promotionnelles. On voit même certains membres porter une veste du style étudiant américain qui, d’ailleurs, est disponible à la vente dans votre shop…
Nicko – Il y a souvent ce type de personnage dans les films des années 1980, cet étudiant américain sportif qui ne quitte jamais sa veste à l’effigie de sa fac. C’est le cas des « Goonies », par exemple. En plus, je trouvais marrant de créer une veste pour une université imaginaire qui ferait partie de notre merch’, comme si elle existait vraiment ! Ça fait partie du décor qu’on a planté avec le concept de l’album, qui parle d’une ville sous dôme, comme on voit dans certains vieux films de science-fiction. C’est un peu le Gotham City de « Batman » ! (Rires)
En ce moment, je suis très nostalgique de cette période… En plus, la pop culture et le cinéma actuel baignent dans le rétro. On le voit dans tout ce qui cartonne, comme « Stranger Things », les remakes de vieilles sagas, ou encore Marvel, qui s’appuie sur des héros qui ont plus de soixante-dix ans. On avait envie de faire une déclaration d’amour à ce qu’on écoutait quand on était mômes, mais à notre sauce.
À l’écoute d’un titre comme Prime Focus, en particulier son intro orchestrale, on s’imagine en effet que tu avais des films et des compositeurs spécifiques en tête pendant l’écriture.
Nicko – On doit l’intro de Prime Focus à Manu. L’idée, c’était de faire ressortir cette identité de comédie musicale à la Broadway, mais je ne voulais pas que ça fasse Disney, ou même « Grease », comédie musicale que je déteste ! C’est Broadway, mais version 6:33, avec ce côté un peu grinçant qu’on retrouve dans les B.O. par Danny Elfman de « l’Étrange Noel de Monsieur Jack », ou encore « Batman », que je mentionnais plus tôt.
On a aussi Downtown Flavour, complètement inspiré de « Sin City », avec son atmosphère un peu « gangster »…
Flo – 6:33 est assez cinématographique. Tout cela nous nourrit. On appartient à cette tranche d’âge ayant vécu cette période-là, qui musicalement, était folle et riche ! On voulait donc un morceau où le héros arrive dans la ville, à la manière de Charlie dans « Charlie et La Chocolaterie ».
Le dernier morceau, Hangover, termine l’album de façon très abrupte. Certains auditeurs se sont même demandé s’il ne s’agissait pas d’une erreur. Nicko, comment expliques-tu ce choix ?
Nicko – Je voulais faire comprendre qu’il y aurait une suite, et qu’elle arriverait dans le prochain album. Même les mecs du groupe se sont demandé s’il n’y avait pas eu un souci au moment de l’export ! Mais c’était l’effet voulu, quitte à ce que certaines personnes restent sur leur faim… Du coup, ça a fonctionné (Rires)
Ça veut dire que le prochain album reprendra exactement là où celui-ci se termine ?
Nicko – C’est marrant, car en me remettant à écrire ces derniers temps, je me posais la même question… et je n’en ai aucune idée ! Autant ça serait logique qu’on commence exactement là où l’album s’achève, autant ça risque d’être compliqué de démarrer un album comme ça… On verra bien !
Avez-vous déjà une visibilité sur les prochains concerts ?
Nicko – On pense organiser une petite Boule Noire à Paris. Ce ne sera pas avant le Printemps prochain, mais ça nous laissera bien le temps de répéter. On va intégrer Béné à la formation live, il faut donc qu’on bosse avec elle les morceaux… On veut s’échauffer avant, et ne pas reproduire ce qu’on avait fait avec « Deadly Scenes » au Divan Du Monde, qui aurait dû être notre final de tournée. Mais on a fait les choses à l’envers, comme d’habitude (Rires)… Heureusement, cette date improbable s’est bien passée, je m’en serais voulu, sinon !
Lire notre chronique de « Feary Tales For Strange Lullabies : The Dome »