Interview réalisée au Hellfest.
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S’il y a un groupe français incontournable en ce moment, c’est bien les exceptionnels 6H33 (ou 6:33) ! Parés à conquérir toujours plus de cœurs avec le fantastique « Asylum Picture Show 2.0 », le spectacle qu’ils ont présenté cette année, les vengeurs masqués possèdent désormais le cadre parfait pour mettre en scène leur fantastique univers au monde entier, qui appréciera ainsi des compositions telles que M.I.D.G.E.T.S, The Walking Fed ou Hellalujah à leur juste valeur. Entretien fort sympathique sous le soleil cuisant de Clisson, avec Florent Charlet (chant) et Nicko Pascal (guitare), alors en promotion lors du Hellfest 2017.
Pourriez-vous revenir sur votre rencontre ?
Florent Charlet – À l’époque, j’étais loin de vouloir intégrer un groupe… J’avais eu cette expérience par le passé, mais je voulais arrêter et me lancer dans le son. Je suis donc allé sur Internet un soir, sur les sites d’annonce. Cela ne m’arrive jamais : je fais ça une fois tous les dix ans ! D’un coup, je tombe sur une annonce : « Groupe recherche nouveau Mike Patton ». Autant te dire que Patton, j’aime bien… Si son nom n’était pas apparu, je n’y serais peut-être pas allé. J’ai donc écouté l’album « Orphan Of Good Manners » (2011). Ma copine de l’époque m’a tout de suite dit : « Ça, c’est pour toi ! ».
Je suis le premier chanteur à avoir été auditionné après le départ de l’ancien. J’ai bossé les morceaux comme un enculé… Je me souviens d’un aller-retour en vacances à Chamonix, et j’ai écouté ça tout le long ! Je suis arrivé à l’audition avec trois morceaux. C’était différent du premier chanteur, parce que j’avais une voix justement plus dans l’esprit Patton, tandis que lui avait un grain plus violent, un peu agressif. J’avais un peu peur que ça ne marche pas… Mais ça a fonctionné dès le départ ! Le jour suivant, j’ai fait une deuxième audition en studio avec Nicko. C’est là qu’on a commencé à composer Burn-In. Et puis, on a fait une teuf, on a sorti les hélicobites… C’était gagné ! C’est quelque chose que tu espères toute ta vie… Sans compter le fait que lorsqu’on bosse ensemble, ça fonctionne. C’est le groupe que j’attendais d’avoir sans oser en rêver. Magique !
Nicko, savais-tu qu’il avait cette forte personnalité scénique, ou l’as-tu découvert après coup ?
Nicko Pascal – Non, c’était après…
Florent – Je lui avais envoyé quelques bandes de ce que j’avais fait. C’était du néo et du hip-hop, et lui n’est pas du tout fan. Mais il m’a donné ma chance.
Nicko – Sur scène, je ne savais pas ce que ça donnait…
Florent – Je gardais mon atout pour moi…
Nicko – On a fait un premier concert en Belgique. Le deuxième était avec Devin Townsend en tête d’affiche.
Florent – Et je ne savais pas qui était Townsend ! À la base, je ne viens pas du metal… Eux se chiaient tous dessus, alors que moi, je lui avais tapé la discute en coulisses, et je trouvais juste que c’était un gars sympa… Après le concert, je me chiais dessus autant qu’eux !
Nicko, peux-tu revenir sur ce choix de nom pour le groupe ?
Florent – L’explication est pourave !
Nicko – Les gens nous demandent régulièrement si cela a rapport avec la Bible, alors que pas du tout ! Quand on a décidé de faire un groupe, on était en soirée avec des potes musiciens, et on était faits comme des Mickeys… On délirait sur le fait de faire un groupe. Choisir un nom, c’est toujours la merde… Alors qu’on cherchait, le chanteur a regardé sa montre et a dit : « On va s’appeler 6H33 ». On s’est dit que si le lendemain, ça nous faisait toujours marrer, on le garderait… Et on l’a gardé !
Florent – Le pire, c’est qu’avec ce nom, on est en tête des listes alphabétiques, et tout le monde se souvient de nous. Sans compter que les « 33 », il y en a partout… C’est le meilleur nom que j’ai jamais eu ! Je me souviens de KORN qui disait : « Ce n’est pas le nom qui fait le groupe, c’est le groupe qui fait le nom ». A la base, « corn », ça veut quand même dire « maïs »… Mais c’est le meilleur exemple !
Nicko – En revanche, un magazine qui avait chroniqué le premier album avait marqué « 8h33 » (Rires).
Pouvez-vous nous parler du processus de création de l’Asylum Picture Show 2.0 ?
Florent – Cela a duré plus ou moins un an, entre le moment où nous avons décidé de nous lancer, et le bouclage. Nicko a énormément travaillé sur le montage et la recherche d’images. Nous avions déjà les scénarios en main, mais il nous manquait ce truc visuel. On savait d’ores et déjà qu’on devait inclure toutes ces voix qui se trouvent sur l’album, tous les personnages… Cela coulait de source ! C’est Nicko qui a trouvé des images pour habiller tout ça, ce qui a représenté le plus gros du travail. Il a beaucoup de mérite…
Nicko – Cela a été pénible ! Moi, j’aime faire de la musique, pas spécialement de la vidéo…
Florent – Il nous a fallu du temps, mais on y est arrivés ! On a aussi eu la chance de rencontrer par hasard notre lighteuse, Bertille (Friderich, NDLR). Elle a vingt ans, elle est barjo, et elle a ramené tout ce que tu peux voir sur scène !
Nicko – J’étais allé voir un groupe d’amis en concert. J’ai remarqué toutes les dalles décoratives sur scène. Son travail m’a tout de suite paru énorme ! C’était original et bien pensé… Je suis donc allé les voir à la fin pour en savoir plus. On m’a dit qu’il s’agissait du boulot d’une gamine de dix-neuf ans, aussi douée qu’elle est perchée. Je me suis dit qu’elle allait s’amuser avec nous ! J’ai été lui proposer, et ça n’a pas loupé. On a même dû la freiner, tellement elle regorgeait d’idées !
Florent – Elle fabrique ses trucs elle-même… En avril, au Divan du Monde, les lumières sur scène devant nous se sont fait saccager. Pour la date suivante, elle a trouvé un système en plexiglas pour tout protéger ! C’est une bonne barge, et c’est ce qu’il nous fallait. On a eu la chance de rencontrer les bonnes personnes, comme notre roadie, Jenn, la roadie la plus sexy du metal ! Ils nous permettent de faire ce qu’on fait. On a eu beaucoup de chance !
Nicko Pascal à Paris en avril 2017
Avez-vous une petite anecdote à nous raconter par rapport au tournage des clips ?
Florent – Il y en a 10 000 ! Mais si je ne devais n’en mentionner qu’une, ce serait en rapport avec le clip de Order Of The Red Nose : on a habillé notre autre lighteux, Piquette, d’une robe de mariée. L’histoire du morceau, c’est un clown qui se marie avec une femme à barbe : c’est lui qui a joué la femme à barbe ! La robe était immonde, et elle ne fermait pas…
Nicko – C’était à mourir de rire !
Suite au concert du Divan Du Monde, vous avez sorti le clip live de Hellalujah… Était-ce important pour vous de rendre cette vidéo disponible ?
Florent – On voulait promouvoir le spectacle, le but étant de montrer un peu ce que ça donne. On va démarcher pour faire quelque chose de concret. Le budget est grossissant, car on a plus de matos, et plus de monde…
Nicko – C’est vraiment un spectacle, maintenant. Ce n’est plus seulement un concert… Il y a quand même une logistique et un temps d’installation.
Avec toutes ces influences, comment abordez-vous la composition de vos albums ?
Nicko – À la création du groupe, on s’était dit qu’on composerait des choses qu’on aimait entendre, tout simplement, et qu’on ne se cantonnerait pas au metal juste parce que c’est un groupe de metal.
Florent – Tout ce qu’on aime va ressortir d’une manière ou d’une autre dans un morceau. Si tu veux quelques noms, on peut citer Devin Townsend, Mike Patton, PINK FLOYD, QUEEN, Michael Jackson, TOTO… Il y a un peu de tout ça. 6H33 est notre univers musical, et il n’y a pas de limites. Tant que cela nous plaît, ça nous va, mais on ne se pose pas de barrières.
Nicko – Ce qui m’avait marqué, c’est quand un chroniqueur m’avait demandé quelle était la patte de 6H33, car il l’entendait apparemment bien sur « Deadly Scenes » (2015). On lui a alors dit qu’on ne la connaissait pas !
Florent – La démarche artistique du groupe, on peut la reconnaître avec quelques sons par-ci, par-là, ou à travers l’identité vocale. Si les gens trouvent qu’il y a une patte « 6H33 », tant mieux ; mais nous concernant, on n’y pense pas du tout lorsque l’on compose. Le prochain album ressemblera à autre chose, avec, par exemple, des batteries plus électro, plus métalliques… L’univers « 6H33 » est changeant.
En général, combien de temps la composition d’un album vous prend-elle ?
Nicko – Ça dépend. Sur l’album précédent, on avait une deadline. D’ailleurs, je n’en garde pas un super bon souvenir… Je me suis retrouvé forcé à écrire. C’est souvent quand tu t’y mets parce qu’il le faut bien qu’il n’y a rien qui vient !
Il n’y a pas de règle. Tu peux commencer à composer quelque chose, programmer un truc, et même une erreur peut s’avérer très intéressante !
Florent – Par exemple, sur le morceau Deadly Scenes, il devait y avoir de la batterie jusqu’à la fin. Mais cette partie a été oubliée, et on a trouvé le résultat encore meilleur ! Souvent, on se regarde, avec Nicko, et on pouffe de rire en composant le truc…
Nicko – Encore une fois, si ça nous fait encore marrer le lendemain, ou qu’on trouve ça toujours pertinent, c’est que l’idée n’était pas si mauvaise. Sinon, c’était une fausse bonne idée. Enfin, je dis « marrer », mais avec tout le respect que j’ai pour un groupe comme ULTRA VOMIT, on n’est pas dans le même délire. C’est d’ailleurs un truc qui m’embêtait au tout début : je n’aimais pas que les gens nous trouvent « marrants ». Ce n’est pas parce qu’on ne se prend pas au sérieux qu’on fait du comique.
Florent – Ça reste quelque chose de sérieux, de bien ficelé, et qui est compliqué à jouer. Il a fallu défendre beaucoup de choses au début : le fait qu’il n’y ait pas de batteur, le fait que notre univers soit décalé… Avec le temps, on a de moins en moins besoin de se défendre, et on sait qu’on a fait les bons choix. Le tout est de l’assumer jusqu’au moment où les gens le comprennent à leur tour.
Et pour les six prochains mois, qu’avez-vous prévu ?
Nicko – Nous allons surtout nous concentrer sur les concerts et les nouvelles compositions. Le tourneur attendait de regarder notre show avant de nous aider à démarcher pour de futurs concerts et évaluer le montant du budget.
Florent – On a d’ailleurs quelques dates qui commencent à tomber, en Île-de-France, en Suisse… Avec ce superbe spectacle, on a maintenant de quoi attirer l’œil et séduire. On verra bien !
Vous êtes donc à fond sur le prochain album ?
Nicko – En effet. On aimerait justement que les démos soient terminées d’ici la fin de l’année, dans l’idéal.
Florent – Nous avons déjà plusieurs ébauches de morceaux, ainsi que le concept… Évidemment, ces nouveaux morceaux seront accompagnés de leurs propres montages en live. On va donc en sélectionner deux ou trois et tourner progressivement les scènes, les images… Ces images associées à la musique font vraiment partie de notre univers et constituent LE sixième membre du groupe.
Pourquoi ce choix de cacher en quelque sorte son identité sur scène à l’aide de masques ?
Nicko – Tout simplement parce le groupe ne se voyait pas jouer une musique très imagée en jeans et baskets ! On voit clairement le truc comme une pièce de théâtre, où l’on incarne des personnages.
Florent – On se permet, le temps d’une soirée, de sortir nos costumes, et de se mettre dans la peau d’un personnage. On est comme Bruce Wayne, en fait ! Et porter des masques permet aussi de désinhiber beaucoup de choses, de nous lâcher encore plus sur scène. Donc c’est plus qu’avantageux pour nous : on joue avec ça. Même si cela reste compliqué à porter, parfois… (Rires). Mais notre musique le requiert. On ne pouvait pas faire un son comme le nôtre avec de simples t-shirts de groupes…
# au Divan Du Monde en 2017
Les masques sont donc difficiles à porter ?
Florent – Oui… Au chant, c’est catastrophique (Rires). Je vais un peu retoucher le mien prochainement, mais c’est vrai que s’il n’est pas bien serré, bien calé, ça peut vite devenir emmerdant (Rires).
Nicko – Surtout avec les nouvelles lumières, qui ressemblent aux lampes de chevet à la Pixar, positionnées à moins d’un mètre de ta tronche… Me concernant, j’ai changé mon masque plus d’une fois, car certains me coupaient la vue. Tu avais vraiment l’air d’un con, à baisser constamment la tête, alors que maintenant, je peux regarder droit devant moi.
Avez-vous quelques infos croustillantes sur le nouvel album à nous partager ?
Nicko – « Deadly Scenes » était très blanc, « lumineux », avec un côté limite religieux. Je pense que pour le prochain album, on va partir sur quelque chose de plus noir, avec des sonorités plus industrielles. Florent faisait justement référence à des batteries plus métalliques…
Florent – Au niveau des thèmes, on va partir sur une sorte d’univers constitué de ses propres établissements et personnages. J’ai envie d’incorporer dans cet album mon vécu et de mettre en scène des histoires que je connais, via des personnages hauts en couleur. On a des idées, avec un peu de cabaret, mais pour le moment, cela reste assez vague…
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Photos : Lucinda
Photos live : Guillaume Merkel
Merci à Roger Wessier !