Quinzième édition pour l’Amphi Festival de Cologne ! Un anniversaire à ne pas rater avec, cette année, une programmation diversifiée, voire une première venue pour certains groupes.
Fidèle à ce très beau site au bord de Rhin (avec les célèbres Tanzbrunnen face au non moins célèbre Dom qui surplombe la ville), ce festival à orientation dark-gothique connaît toujours le même succès. Cette année encore, pas moins de 12 000 festivaliers se sont donné rendez-vous pour un week-end musical, mais aussi amical. L’ambiance très chaleureuse qui règne en ce lieu en fait l’endroit idéal pour profiter en toute quiétude d’un style de musique pas vraiment développé en France, malgré la percée récente de certains groupes allemands. Car ici, c’est bien la langue de Goethe qui domine sur scène, 90 % de la programmation étant locale.
Malgré la chaleur étouffante, la couleur à la mode ce week-end est le noir. On y croise de somptueux costumes victoriens, des cybers, des adeptes du style steampunk, glam-rock, médiéval… Le but étant de se faire plaisir et aussi de se faire admirer ! Les promeneurs seront nombreux à sillonner les allées dédiées au merchandising, où les marques connues ont élu domicile, mais aussi à se poser à proximité des nombreux stands de restauration et de bière.
Les premiers concerts ne commencent qu’à 11 h sur la mainstage, 12h55 pour la theaterstage et 13h45 pour l’orbitstage, et c’est tant mieux, car le week-end ne se résume pas aux seuls concerts : de nombreuses soirées sont ainsi programmées dès le vendredi soir, animées par les DJ les plus connus de la scène dark-electro ou indus, mais également par les leaders des groupes eux-mêmes. « Call the ship to port » est l’événement du vendredi soir, une croisière avec concert sur le Rhin ; cette année MESH, SOLAR FAKE et DIORAMA sont au programme.
Beaucoup de monde déjà ce samedi matin devant la Main Stage pour accueillir SEELENNACHT, un groupe « dark-romantik » introduit par le Dr Mark Benecke, célèbre spécialiste en entomologie médico-légale qui officie régulièrement comme présentateur sur l’Amphi. Une belle présence sur scène pour ce groupe emmené par Mark Ziegler, tête pensante et chantante du groupe.
Les décibels sont déjà au rendez-vous de bon matin et n’auront de cesse que de croître tout au long de la journée. D’ailleurs le groupe suivant, venu de Bavière, va vite faire entrer le festival dans le vif du sujet : ERDLING, malgré ses 4 ans d’existence, se taille déjà une jolie renommée sur la scène dark allemande. En première partie de nombreux groupes dont LORD OF THE LOST, et avec une tournée en headliner fin 2018 qui a rencontré un beau succès, les trois musiciens vont faire chavirer le cœur des festivaliers.
Résolument engagés pour l’environnement comme le démontre certains de leurs textes, les Bavarois distillent sur scène un rock puissant et accrocheur qui incite à bouger. Le public s’époumone déjà, et reprend en chœur l’un de leurs succès Blitz und Donner pour conclure un set tout en énergie. L’un des petits inconvénients de l’Amphi est la durée des pauses entre deux groupes… Une demi-heure pour parfois ne démonter qu’une simple batterie et installer un clavier, ça fait longuet pour les spectateurs !
Erdling
Alors on en profite pour découvrir les environs et goûter la bière locale. Le ciel commence déjà à se couvrir de vilains nuages noirs, confirmant en cela les prévisions météorologiques. Mais les Allemands sont habitués : parapluies et « Regenponchos » (comprenez : capes de pluie) sont au fond des sacs et prêts à être dégainés si besoin. Lorsque CHROM fait son apparition, il y a foule sous les immenses tentures déployées devant la scène. Véritable référence synthépop/EBM, écumant les festivals et les clubs depuis maintenant une dizaine d’années, les deux musiciens vont transformer les Tanzbrunnen en dance floor (et il est à peine 14h !).
Nous décidons d’abandonner les clubbers à leurs déhanchements et nous dirigeons vers le Theater, quelques mètres plus loin, où la veille a eu lieu la pre-party rituelle. Avec Adrian Hates (DIARY OF DREAMS, COMA ALLIANCE), Erk Aircrag (HOCICO, RABIA SORDA), et Daniel Myer (CONVENANT) aux platines, les amateurs ont pu se défouler jusqu’au petit matin sur des rythmes indus, electro, EBM… Le groupe qui nous intéresse ce matin vient de Grande-Bretagne, et nous n’avons pas encore eu l’occasion de le voir sur scène. Le premier mot qui vient à la bouche en arrivant sur place est « agression » : déferlement de décibels, stroboscopes à gogo… Visiblement, on est resté dans l’ambiance de la veille, et quel contraste avec l’extérieur ! Par contre, la climatisation fonctionne, et du coup, on apprécie.
Massive Ego
MASSIVE EGO a la réputation de proposer des shows très colorés, et ce sera bien le cas. La présence de Marc Massive sur scène vaut à elle seule le détour, et les photographes mitraillent sans relâche ses habits de lumière. Les inconditionnels sont là : il faut dire qu’en 20 ans le groupe a accumulé les succès, avec My Religion Is Dark, For The Blood In Your Veins, sans oublier I Idolize You et sur leur dernier album la cover de AND ONE Military Fashion Show.
Retour à la lumière du jour pour la fin du show de SAMSAS TRAUM. Notre seul souvenir de ce groupe date de 2015, avec un show acoustique qui ne nous avait pas vraiment convaincus. Du coup, quelle bonne surprise de les découvrir dans leur line-up habituel, avec des morceaux définitivement punchy et une belle énergie !
Toujours plus de monde en ce milieu d’après-midi où le soleil a définitivement disparu, mais pas la chaleur accablante. Comme chaque année, les Français que nous sommes sont frappés par l’attention que portent nos voisins d’Outre-Rhin au bien-être des personnes à mobilité réduite sur les festivals : avec un emplacement surélevé qui leur est réservé au plus près de la scène, ils peuvent ainsi profiter au mieux de tous les concerts. Idem pour les enfants, particulièrement bien acceptés et choyés : l’Amphi-Festival est aussi un rendez-vous familial, et pas besoin d’être étiqueté gothique pour apprécier l’ambiance et la musique. La tolérance est le maître-mot de ce week-end !
Hocico
Petite déception pour le set de HOCICO où on ne retrouvera pas l’énergie pourtant légendaire de Erk Aircrag sur scène. Le son n’est pas clair du tout, le micro du chanteur, malgré son pied de micro constellé de têtes de morts plutôt flippant, semble manquer de puissance. Ce qui n’empêche pas le public de profiter de l’univers electro-dark très sombre aux beats marqués des Mexicains, habitués de l’Amphi. Rien à voir cependant avec la folie des concerts en France, même si UN slam vient perturber la relative quiétude de la fosse. De nombreux titres du dernier album, dont Dark Sunday et Psychonaut, alternent avec les anciens, dont Sex Sick, joyeusement repris par le public sur le refrain, Bite Me, ou encore Forgotten Tears.
Le duo laisse la place à ceux qui auraient dû selon nous être programmés plus tard dans la soirée, tant leur show soulève l’enthousiasme d’un public de plus en plus nombreux : LORD OF THE LOST. Sur la scène désormais impeccable, époussetée consciencieusement par un Gared Dirge en grande tenue de femme de ménage, déclenchant fous rires dans le public, le spectacle peut commencer. Dès les premières notes, on sent que la prestation va encore tenir toutes les promesses : bien campé en hauteur au fond de la scène, armé de sa guitare, le charismatique frontman Chris Harms lâche toute la puissance de sa voix sur On This Rock I Will Build My Church, donnant ainsi le tempo d’un set qui ne connaîtra aucun temps mort.
Le visuel est soigné, le make-up des musiciens donnent une touche de glam-rock au show. Après quelques titres du dernier album dont Loreley, retour aux anciens succès avec Prison, Six Feet Underground ou encore l’improbable Doomsday Disco, mélange de disco et metal particulièrement dansant. Le professionnalisme des Allemands saute aux yeux. C’est un show rodé avec une set-list variée et fédératrice à laquelle on a droit. La ferveur du public est à son comble, et ce n’est pas l’orage qui finit par s’abattre sur Cologne qui va calmer les ardeurs des fans de la première heure ! C’est donc trempés mais heureux que nous terminons le show avec La Bomba, aux rythmes latinos effrénés.
Lord of the Lost
La pluie désormais bien installée fait regretter aux plus frileux de ne pas avoir opté pour le troisième site de cet Amphi, l’Orbit Stage, un bateau amarré juste à côté sur le Rhin où se produisent des groupes plutôt dans la mouvance cyber-punk, electro, comme AGENT SIDE GRINDER ou encore HENRIC DE LA COUR, en ce samedi après-midi. La jauge étant plutôt serrée, il est très compliqué de naviguer sur plusieurs sites pour les spectateurs, et bien souvent, les premiers placés sur l’Orbit Stage… y restent ! Avouons sans complexes ne pas avoir tenté l’expérience, le style de musiques proposées ne retenant pas forcément notre attention, sauf peut-être pour l’ÂME IMMORTELLE, dont le passage prévu en fin de soirée allait sans aucun doute remplir la salle.
Tandis que dans le Theater plein à craquer, les Berlinois de SOLITARY EXPERIMENTS distillent leur darkwave electro, nous restons courageusement devant la Mainstage pour la venue de BLUTENGEL, au look vampiro-gothique et aux mélodies dansantes. Dans un décor plus sobre qu’à l’accoutumée, mais avec de nombreux effets lumineux et des projections en fond de scène, Chris Pohl et sa complice Ulrike Goldmann assurent le spectacle, entourés de leurs danseuses. Très proches du public conquis, à en juger par les nombreuses mains qui se lèvent et applaudissent en rythme, le duo va interpréter les titres phares de son répertoire, de Morningstar, le dernier sorti, à Engelblut, pour conclure sur Reich mir die Hand.
Blutengel
Le soleil revenu faire une courte apparition disparaît doucement dans le ciel. Les équipes techniques s’affairent désormais pour la prestation des têtes d’affiche du jour, NITZER EBB. Le groupe britannique, et non pas allemand, comme on le croit souvent, a trois bonnes décennies d’albums et de concerts à son actif. Les musiciens, dont le line-up a pas mal évolué au cours des années, participent à de nombreux projets aux côtés notamment de DEPECHE MODE ou DIE KRUPPS. De la techno rageuse des débuts en passant par l’EBM des années 2000 demeure une énergie contagieuse et des titres irrésistiblement dansants.
Mais une autre tête d’affiche, quelque peu inattendue, est programmée en même temps sur la scène du Theater. Les Allemands d’UNZUCHT, qui font aussi doucement leur petit bonhomme de chemin en France, conclueront donc cette première journée. Avec un son lourd, à la batterie omniprésente et un style dark-electro, le groupe connaît une belle ascension, due en partie au capital sympathie de son leader Daniel Schulz et à sa voix claire qui tranche avec le côté sombre des textes. La salle est donc bien remplie lorsque le groupe se présente sur scène.
Très vite, on est séduit par la complicité qui s’installe entre le groupe et ses fans. On n’ose imaginer le niveau des décibels, mais le son est fort, très fort, et nos oreilles ne sont pas vraiment à la fête… On vibre de partout, mais surtout côté cœur : car s’il y a bien un groupe généreux dans cet univers gothique, c’est UNZUCHT.
Unzucht
Le set passe bien trop vite, on y retrouve les premiers titres du combo comme Unzucht, Deine Zeit läuft ab, ou l’incontournable Engel der Vernichtung qui fait chanter d’une seule voix tout le public. La voix du frontman se fait plus sensible et mélodieuse pour Nela, tandis qu’une frénésie de lumières blanches accompagne le tempo infernal de Kettenhund. Daniel Schulz fait son petit tour de crowsurfing comme à son habitude. Le sourire ne l’a pas quitté depuis le début du set. La communion avec la salle est totale, UNZUCHT est vraiment l’un des groupes où l’on ressent un véritable amour du public pour les musiciens.
La soirée n’est pas finie pour autant : les plus acharnés se sont donné rendez-vous à l’Obit Stage où les attendent Alexx Wesselsky (EISBRECHER) et le DJ Oliver Klein pour une seconde escapade sur le fleuve. D’autres DJ sont présents jusqu’au petit matin sur le Theater, tandis que le Beach Club installé au bord du Rhin accueille ceux qui préfèrent finir tranquillement la journée devant un verre en profitant de la magnifique vue sur le Dom illuminé…
Texte : Laurence Prud’homme
Photos : Manon Nadolny