Suite à la sortie de leur DVD « Retrospect » (2013), qui célébrait dignement leur dixième anniversaire, EPICA – selon ses propres dires, était fin prêt à entamer un nouveau chapitre de leur belle histoire. C’est donc dans cet état d’esprit de renouveau que les fans ont prêté une oreille pleine d’attention à leur sixième album, « The Quantum Enigma ». Succédant à « Requiem For The Indifferent » (2012), qui n’arrivait pas à la hauteur du monument qu’était « Design Your Universe » (2009), ce nouvel opus, à l’artwork aussi majestueux qu’intrigant, se devait de prouver que la formation belgo-néerlandaise méritait toujours leur statut de groupe-phare du metal symphonique.
Malgré l’annonce d’une nouvelle ère, EPICA reste ici attaché à ses traditions – et ce ne sont pas leurs plus grands fans qui s’en plaindront. Une intro symphonique, dans la lignée de Samadhi, ouvre donc l’album ; les chœurs d’Originem, à la mélancolie mozartienne, sont accompagnés de cordes énergiques permettant d’apporter une lumière d’espoir. Dès le départ, on compense l’aspect morose largement représenté dans l’album précédent.
Ainsi, le premier morceau, tel un Resign To Surrender ou même un Monopoly On Truth, ne pourra que convaincre l’auditeur, tandis que des contretemps (bien qu’inhabituels de la part du groupe) permettent aux couplets de contraster avec le refrain, certes plus lent, mais d’une intensité jouissive. Les grunts de Mark Jansen se font rares (un constat qui s’applique au reste de l’opus), permettant à la voix de Simone Simons de s’épanouir, alors accompagnée des chœurs épiques et de rythmes rapides occasionnels.
Avec The Essence Of Silence, il est évident que nous sommes à des lieues de « Requiem For The Indifferent »: EPICA décide de poser des mélodies bienfaisantes et de mettre les chœurs plus en avant que jamais, sans compter les envolées lyriques de la chanteuse, très en forme. Si de nombreux fans ont probablement adhéré à cette accentuation, d’autres reconnaitront que la formation ne laisse à l’auditeur que peu de répit. Nos oreilles voulaient simplement se délecter des belles mélodies, et nous voilà en pleine overdose de chœurs ! Mais peut-être était-ce dans le but de créer une stricte opposition avec l’album précédent que le groupe a décidé de nous présenter cet extrait en premier ?
Plus modéré, Unchain Utopia a également été proposé aux fans avant la sortie ; il faut dire que la recette est impeccable, avec les paroles du refrain que l’on retiendra très vite, ses rythmes changeants, qui apportent une claire énergie au tout, et la voix de la chanteuse portée par les chœurs mélancoliques et moins étouffants qu’à l’habitude. Il en va de même pour Reverence, morceau accessible bourré de belles mélodies principalement interprétées par les chœurs, véritable personnage principal de ce « The Quantum Enigma » ; d’ailleurs, la présence des solos de guitare et de claviers sur le pont interrompt quelque peu la dynamique de la composition.
La surcharge de chœurs mise à part, on ne peut s’empêcher de remarquer un léger manque d’unité au sein même de certains morceaux : Chemical Insomnia présente une intro rentre-dedans et terriblement efficace ; pourtant, les couplets font quelque peu retomber le soufflé, tandis que le refrain, malgré son intéressant crescendo, s’éloigne complètement de l’énergie de l’intro. Sur le pont, on appréciera en revanche l’affrontement épique entre la voix opératique de Simone et les screams de Mark posés sur un rythme rapide.
Il en est de même pour Victims Of Contingency, dont les contretemps et la mélodie du refrain amoindrissent l’aspect agressif des couplets, bien que l’on note une très bonne orchestration mêlée aux guitares lourdes. Quant à Omen, on ne pouvait être plus déçus d’une telle inégalité : nous avons là une intro intense et des couplets mystérieux dignes d’intérêt, mais entachés d’un refrain fade et sans inspiration. Heureusement, le couplet sauve le gâchis avec ses contretemps et les screams de Mark, qui trouvent réellement leur place à ce moment précis de l’album.
Si EPICA a très souvent exploité des sonorités arabisantes par le passé, le groupe s’attarde plutôt sur les contrées chinoises pour son interlude, The Fifth Guardian. L’instrumentale, qui compte la participation de Miro Rodenberg en plus de la patte de compositeurs de Coen Janssen et d’Isaac Delahaye, offre un joli dépaysement, sans pour autant faire preuve d’une créativité ahurissante. On regrette que ces influences se limitent à cette interlude.
Sense Of Sanity brille par son côté progressif, et rappelle par moments le titre Design Your Universe. Le batteur Ariën Van Weesenbeek, en plus de ses fûts, apporte l’intensité de sa voix « cinématographique », comme il l’avait déjà fait par le passé. En outre, la luminosité et la variété de ce morceau en font l’une des pièces marquantes de l’opus. Concernant l’unique ballade Canvas Of Life, elle est comme toujours un excellent prétexte pour apprécier la douceur de la vocaliste et les émotions auxquelles la formation a pu nous habituer. Elle est suivie de Natural Corruption, dotée de contretemps, dont le groupe est décidément friand, et d’un refrain qui n’est pas sans évoquer la fameuse Quietus, issue de l’album le plus léger et le plus « positif » de leur discographie : « Consign To Oblivion » (2005).
The Quantum Enigma – Kingdom Of Heaven Part II, à l’instar de sa première partie, commence sur des chants de moines tibétains ; ce sont douze minutes pendant lesquelles la formation effectue plusieurs rappels, non seulement de Kingdom Of Heaven, mais aussi des albums « Design Your Universe » et « Requiem Of The Indifferent » en général. On retiendra notamment un passage où la voix de Simone est doublée de screams subtiles mais déchirants, petite originalité dans un long morceau assez prévisible de la part du groupe.
Ainsi, « The Quantum Enigma » contient effectivement d’excellents passages qui ont réjoui autant les fans que la presse ; malheureusement, ils sont souvent interrompus par des moments plus fades, dépourvus de recherche. Un contraste néfaste qu’il est difficile d’assimiler, malgré les écoutes répétées.
Sans parler d’évolution flagrante, on sent néanmoins un vent de fraîcheur et d’optimisme, tout au long de l’album ; cet air serait encore plus vivifiant si toutefois les chœurs étaient moins surproduits et omniprésents. Heureusement, on s’éloigne du drôle de « Requiem » et de ses ambiances plus noires. Ici, EPICA a eu tendance à renouer avec ses lueurs d’espoir et une certaine candeur qui faisaient la particularité de leur deuxième album, « Consign To Oblivion », tout en restant fidèle à leur identité death et à cette intensité qui marque leurs meilleures compositions.