4/5
Depuis ses premières démos « Autopsie » (2000) et « Samantha » (2002), le groupe marseillais a fait du chemin : un premier album, « Soma » (2004), qui a élargi leur cercle de fans, et un deuxième, « Tératologie » (2007) qui les a amenés à tourner dans toute l’Europe, en Russie et même en Amérique du Sud. Tout cela sans jamais démordre de leur son unique, que l’on peut tant bien que mal situer entre thrash core et neo metal, où règne une éternelle poésie glauque et osée.
Pour « III », qui bénéficie d’une production à la limite de la perfection, le groupe vise encore plus haut et parvient à élaborer leurs compos en se détachant toutefois de la complexité et des expérimentations de son prédécesseur. Ce troisième album marque aussi le grand retour de Guillaume Dupré (désormais surnommé Yom) à la batterie, qui avait quitté le groupe en 2006.
Comme à chaque fois, on ne passe pas par quatre chemins pour ouvrir un album d’ETHS : Voragine est un morceau heavy et rentre-dedans, avec des parties guitares et batterie qui s’accordent entre elles, et des grunts aussi présents que le chant clair. On note en arrière-plan du pont les différentes harmonies de la voix de Candice Clot qui apportent une réelle intensité au morceau, bien que les screams dominent l’ensemble. C’est d’ailleurs ce qui nous frappe à l’écoute de « III » : les différentes lignes de chant clair sont plus travaillées et jouent un rôle plus important qu’auparavant.
Tout au long de l’album, la jolie voix de Candice se fait comme à son habitude neutre, dépourvue d’émotions fortes ; celles-ci seront davantage exprimées par les grunts et screams agressifs, ou encore au moyen de narrations très austères, à l’instar d’Adonaï, le titre le plus efficace de « III ». Les murmures sur les couplets rappellent les vieux titres du groupe, et le refrain est aussi mélodique qu’énergique ; quant à la fin, elle apporte une certaine apothéose au morceau, avec son récit prophétique aussi solennel que torturé qui se termine sur une mélodie de désolation.
Harmaguedon, dans laquelle on entend une fois encore Candice réciter un texte biblique d’une voix grave, reste dans la continuité de Voragine avec rythmes rapides, contre-temps, double pédale et violence des cris. Les couplets rappellent assez l’époque « Soma », alors que le refrain et le pont se rapprochent du neo metal. La fin répétitive et tonitruante est diablement efficace et prendra toute son ampleur en live.
Les réminiscences de « Soma » continuent, notamment sur Proserpina, probablement le titre le plus audacieux et le plus varié de « III », et qui rappelle momentanément le titre Simiesque, lorsque les coups réguliers de la batterie provoquent un long effet d’attente. Ils sont suivis d’un surprenant passage à la guitare sèche, où Candice sort quelque peu de son registre habituel. Notons aussi les parties électroniques, suivies d’orchestrations graves et très convaincantes, alors qu’une femme émet en même temps un discours en langue étrangère.
Les influences neo metal sont prédominantes sur Gravis Venter, qui ne contient d’ailleurs aucun grunt et donne la part belle aux riffs typiques du style, alors que le refrain est étonnamment accrocheur. Mais ce sont les orchestrations de la fin qui attirent toute notre attention, tant elle sont exploitées avec habileté et offrent au titre beaucoup d’émotion et de fraîcheur.
Pour écrire Gravis Venter et Inanis Venter, Candice s’est inspirée de sa grossesse. La violence des paroles de la seconde est telle qu’on y devine facilement les sentiments paradoxaux éprouvés au moment du « baby blues ». Quoiqu’il en soit, on a là l’un des meilleurs titres de « III », avec en ouverture le cri lointain des corbeaux et un déroulement mené tambours battants. Le chant clair est aussi inexpressif que les cris sont déchirants, alors que le morceau se clôt d’une comptine macabre, où les différentes voix apportent une jolie harmonie et exhaussent le côté enfantin.
Sidus est avec Proserpina une composition qui sort du lot, avec ses chœurs épiques qui apparaissent à plusieurs reprises sur un son de batterie déchaînée.
Quant à Hercolubus, c’est là peut-être le seul titre à s’identifier vraiment à l’album précédent ; il est en effet difficile à appréhender, et la première partie met en scène des hurlements de panique et de terreur dignes des cris qu’en 2002 on n’osait entendre sur la fin de Samantha. Cela dit, la fin prend une tournure tout à fait inattendue et émouvante, où la voix douce se mêle aux violons, avant que le son lourd des guitares ne vienne trancher une fois de plus avec la partie précédente.
Candice
Précédée de la mystérieuse interlude Praedator, Anatamnein, qui évoque l’horreur de la taxidermie et achève « III », est sous doute le morceau le plus intense de l’album, avec son rythme lent et sa mélodie noire. La première partie est très bien équilibrée entre voix claire, narration amère et faibles murmures, alors que la deuxième, qui tranche avec ce qui précède, est majoritairement vide de toute sonorité et fait retomber l’atmosphère mélancolique. La toute fin est néanmoins très jolie, avec ses violons mystérieux et graves.
Au final, il est difficile de ne pas trouver son compte avec « III » : plus fluide et direct que « Tératologie », plus mature et varié que « Soma », ce troisième album réussira peut-être à séduire ceux qui avaient été déstabilisés par l’aspect déstructuré et expérimental du précédent. ETHS reste attaché à son identité tout en continuant de peaufiner ses compos au moyen d’influences diverses et d’orchestrations plus qu’appréciées.
TRACKLIST
1) Voragine
2) Harmaguedon
3) Adonaï
4) Gravis Venter
5) Inanis Venter
6) Sidus
7) Proserpina
8) Hercolubus
9) Praedator
10) Anatemnein