En ce mercredi 16 novembre, Marseille a la chance de recevoir du beau monde : le moins que l’on puisse dire, c’est que les pays dont proviennent les groupes de l’affiche ne sont pas si souvent représentés dans le paysage metal. Éloignons-nous un temps de l’éternelle Finlande ou de l’incontournable Allemagne pour plutôt nous égarer au Chili ou en Chine ! Une soirée qui promet d’être aussi enrichissante que divertissante, et tout cela au Molotov, une petite salle située en plein cœur de la cité phocéenne.
Venus tout droit du Chili, CRISÀLIDA présente son metal prog à une salle quasi-vide et encore endormie – les spectateurs n’offriront d’ailleurs aucun applaudissement à la fin du premier morceau… Heureusement, ils se rattraperont par la suite ! La scène carrée (et donc, aussi large que profonde), nous donne une mauvaise visibilité sur le batteur et les membres du groupe qui s’aventurent au fond. Malgré tout cela, les musiciens semblent en forme et la chanteuse, à la gestuelle très dansante, sourit généreusement à l’audience. Chose rare : les morceaux sont entièrement interprétés en espagnol. Étant donné la complexité de certains passages, la musique de CRISÀLIDA, influencée par THE GATHERING ici et là, devrait être mieux appréhendée sur CD.
Nous quittons l’Amérique du Sud et rejoignons de fraîches contrées russes avec IMPERIAL AGE. Le groupe propose un metal purement symphonique, d’autant que c’est une voix féminine lyrique qui prédomine. Les deux claviéristes prennent souvent le micro pour accompagner Anna « Kiara » Moiseeva au chant. On regrette que les musiciens aient opté pour des accoutrements aussi dépareillés : alors que les deux femmes ont revêtu des tenues moulantes gothiques, le leader et claviériste Alexander « Aor » Osipov arbore pour sa part un élégant costume typé militaire, tandis que les autres musiciens se sont contentés de vêtements noirs sans particularité. Hormis ce détail esthétique, IMPERIAL AGE possède une énergie indéniable, et les trois voix classiques s’accordent bien entre elles. Contrairement au groupe d’ouverture, leurs compositions sont bien plus accessibles et entêtantes, en particulier Anthem Of Valour, qui n’est pas sans rappeler les vieux albums de RHAPSODY, et Death Guard, qui contient un refrain efficace et du chant « non-lyrique » sur les couplets.
Les choses se corsent avec VOODOO KUNGFU, en particulier avec l’incroyable chanteur chinois Nan Li, ou encore, « Chinese Cobra », et dont « le premier exploit notable a été de se faire renvoyer de son école catholique irlandaise en 1997 » (source : la fantastique biographie du groupe, entre mythes et réalité, à lire impérativement !).
Parés de leurs plus beaux accoutrements traditionnels et grimés de peintures au visage, les musiciens prennent place dans une atmosphère sombre. Si on remarque notamment le guitariste dynamique à la chevelure folle multicolore, c’est bien l’interprète, dissimulé derrière son masque horrifique, qui attire tous les regards. Il retirera rapidement son masque, puis son manteau, révélant un torse recouvert de tatouages impressionnants. Plus tard, un liquide rouge coulera mystérieusement le long de sa peau, donnant une impression très réaliste de sang…
La foule, désormais plus compacte, est visiblement très intriguée ! Il s’agira bel et bien de l’ovni de la soirée, mais également de la meilleure découverte. Aussi expérimentaux et complexes soient-ils, tous les titres du groupe – dont le criard Bruce Lee, captent l’attention des spectateurs, tant la performance du chanteur énigmatique à l’attitude austère les fascine. Les différentes facettes de sa voix impressionnent tout autant : elle passe aisément du chant profond « tibétain » aux cris suraigus semblables à ceux poussés dans les arts martiaux, sans oublier quelques parties de chant guttural. De nombreux problèmes techniques (le micro de Nan Li aura été changé trois fois !) n’empêcheront pas la prestation d’être un succès, et les premiers rangs ne cesseront d’acclamer cette formation bien singulière.
ORPHANED LAND prend place pour clôturer la soirée à l’aide de leurs superbes mélodies orientales. Cette tournée célèbre les vingt-cinq ans des Israéliens – Kobi Farhi, chanteur et fondateur du groupe, mentionnera d’ailleurs avec fierté qu’ils sont les instigateurs du metal oriental (Kobi n’avait alors que seize ans !).
Ainsi, aucun album n’est oublié, même si la setlist ne s’éloigne pas excessivement de celle jouée lors du Hellfest : en effet, dix titres étaient également inclus dans la setlist du festival, et c’est le dernier album, « All Is One » (2013) qui est encore une fois le plus représenté.
ORPHANED LAND démarre sur le tube du même nom, tandis que Kobi nous encourage à marquer le rythme. Ils enchaînent sur deux compos également issues de cet opus, avec la très entraînante The Simple Man et la belle Let The Truce Be Known, dans laquelle l’interprète nous enchante de sa voix de velours. Tout autour, les gens dansent, lèvent les bras, et certains chantent même les morceaux à tue-tête, pour le plus grand plaisir des musiciens, comme en atteste le sourire du guitariste Chen Balbus.
La setlist de ce soir a le mérite d’inclure A Neverending Way et El Meod Na’Ala, vieux titres issus de l’album « El Norra Alila » (1996). Le groupe propose également de nombreuses chansons contenant leurs influences death metal : les grunts de Barakah et The Kiss Of Babylon ravissent les metalleux que nous sommes, tout comme sur l’excellente Birth Of The Three ou la fameuse Ocean Land. Aussi heavy que traditionnelles, Olat Ha’tamid et Sapari ne manquent pas d’efficacité, et la seconde aurait clairement mérité la présence d’une chanteuse sur scène pour interpréter les nombreuses lignes de chant oriental. Autre petit regret : les superbes parties de piano qui ferment In Thy Neverending Way nous auraient encore plus enchantés si elles avaient réellement été jouées en live.
ORPHANED LAND termine en beauté avec un medley de Norra El Norra, où le public est invité à « jumper », et, Ornaments Of Gold, extrait du tout premier album « Sahara » (1994). Une fois encore, les spectateurs se plairont à lever les bras et à entonner la mélodie principale du titre à la demande de Kobi.
Un grand merci à ces quatre groupes venus d’ailleurs pour ce dépaysement et pour leur énergie, malgré dix-huit dates enchaînées sans un seul jour de répit !