Révélé à la grande communauté de fans de metal progressif grâce à sa performance exceptionnelle dans « The Theory Of Everything » d’AYREON en 2013, Michael Mills évolue déjà depuis plus d’une décennie au sein de son propre projet TOEHIDER, où les influences sont pour le moins éclectiques, et innovantes au-delà de toute conception… Il fallait au moins ce talent pour oser créer un univers aussi déluré et parvenir à le rendre convaincant !
À l’occasion de la sortie de « I Like It », et afin de le mettre en lumière – car il le mérite bien, METAL FRANCE MAGAZINE s’est entretenu avec ce talent hors norme venu d’Australie…
La production de « I Like It » a été le prétexte pour te lancer dans l’aventure Patreon, qui donne accès à du contenu exclusif aux fans abonnés… Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
J’ai découvert Patreon sur Youtube. Le concept m’a paru plutôt intéressant… Cette appellation fait référence aux « patrons » de l’époque Baroque : une famille aisée, ou encore l’église, choisissait de soutenir financièrement un musicien et lui passait régulièrement commande.
On a bien conscience que l’industrie de la musique est en constante évolution depuis une quinzaine d’années, avec la montée en flèche des supports digitaux : les gens ont commencé à écouter de la musique sans nécessairement la payer. Ce n’est ni une bonne, ni une mauvaise chose, c’est simplement un constat.
En fait, j’étais curieux de voir si les gens seraient d’accord pour payer une petite somme chaque mois afin d’accéder à de nouveaux morceaux. Le but, c’était que j’écrive un certain nombre de chansons qui excéderait la durée classique d’un album. Au final, j’en ai enregistré 49, reprises incluses. Par la suite, les Patrons ont eu à voter pour choisir les douze meilleures d’entre elles, ce qui constitue l’album aujourd’hui révélé au public.
C’est super, parce on a une vraie communauté qui s’est créée pour discuter de la musique, et les fans ont la possibilité de s’impliquer d’avantage. J’imagine qu’on peut y voir une nouvelle façon de faire, plutôt que de simplement sortir un album et espérer que les gens l’achètent !
Il y a quelques morceaux que j’aurais bien aimé voir dans la sélection finale, mais ce n’était pas le but. En plus, ce serait odieux de ma part de prétendre savoir lesquels de mes morceaux font partie des meilleurs… À vrai dire, c’est plus marrant de laisser les fans décider à ma place ! (Rires) Je souhaitais voir ceux qu’ils considéraient être mes meilleurs titres. La plupart du temps, je n’en sais rien moi-même…
J’ai remarqué que je peux passer énormément de temps sur un titre et être persuadé qu’il plaira aux gens, alors que pour d’autres morceaux, je peux y passer bien moins de temps, et souvent, ce seront ces derniers qui attireront le plus les fans…
L’Histoire a souvent prouvé que des morceaux écrits en dix minutes s’avèrent être les tubes que tout le monde retient. Ça doit être frustrant pour les artistes de passer de longues heures à peaufiner des morceaux qui ne connaîtront pas nécessairement le même succès…
Oui, carrément ! En plus, ça ne se commande pas. Tu te mets juste à travailler sur ce qui te fait vibrer, sur ce qui fait sens pour toi. Mais cela semble être la tendance actuelle…
Contrairement à la majorité des titres de TOEHIDER, A Rancorous Heart évoque un sentiment très personnel, et tout le monde peut s’identifier à ces paroles. Reflètent-elles ta façon de voir les choses en tant qu’artiste connu ?
Plus en tant qu’intermittent du spectacle ou musicien, et l’étrange rapport que j’entretiens avec ce statut. Il est impossible – et c’est le cas pour tout le monde à un certain degré, de ne pas se comparer aux autres à un moment donné : si je vois la vidéo d’un guitariste qui fait des trucs de fou, selon mon humeur, ça va tantôt me motiver à pratiquer et à m’améliorer, tantôt me donner envie de jeter l’éponge ! Ça peut vraiment t’écraser, parce qu’il y a toujours cette envie de posséder plus que ce que tu as déjà… À la fin, on se retrouve avec cette rancœur, et tout le monde la ressent à un certain degré, que les gens se l’avouent ou non. Du moins, c’est ma théorie, mais je suis peut-être à côté de la plaque ! (Rires)
Les paroles de Moon And Moron sont tout aussi spéciales : bien que tu y évoques les théories du complot autour des extraterrestres ou des manipulations du gouvernement, elles pourraient tout à fait s’appliquer à la situation actuelle avec le COVID-19, tandis que certains croient que le port du masque, ou encore l’existence du virus ne sont qu’une énorme arnaque dont le but est de mieux nous contrôler…
Oui, les théories du complot sont en recrudescence, et les gens qui empruntent ce chemin de pensée sont de plus en plus nombreux. C’est aussi quelque chose qui me fascine… Je n’arrive pas à croire que des gens les prennent au sérieux. C’est problématique ! (Rires)
Mais c’est drôle, parce que plus tu vas lire des articles qui en parlent, et plus ton cerveau va commencer à être réceptif à ces idées insensées… Je trouve ça super dangereux ! (Rires) C’est bien là le signe que l’humanité est facilement manipulable.
D’un autre côté, on a aussi des paroles plus caractéristiques de TOEHIDER qui racontent une histoire, avec un décor et des personnages, à l’instar de Concerning Lix & Fairs. Comment en viens-tu à élaborer ces histoires hautes en couleurs ?
C’est difficile à dire… Je suis très fan de musiques folk et country, dans lesquelles on a tendance à conter des histoires. J’aime beaucoup les histoires folles et insensées !
En ce moment, je travaille sur un concept album de science-fiction humoristique qui reprend ce style d’écriture…
Génial ! Qand penses-tu sortir ce concept album ?
Il ne sortira pas publiquement avant au moins un an, mais je partagerai bien sûr du contenu sur Patreon, d’ici là.
J’ai toujours hésité à sortir un concept album, dans la mesure où je travaille depuis quelques années avec LE Maître des concept-albums de fantasy, à savoir : Arjen Lucassen (Rires). Mais il m’a vraiment encouragé à poursuivre cette voie. Il m’a dit que ce serait génial que je fasse quelque chose dans la même lignée.
Ca rappellera l’univers de Terry Pratchett et Douglas Adams (tout deux auteurs et satiristes anglais, NDLR), donc quelque chose de comique, voire ridicule… C’est vraiment ce qui me plaît, mais encore faut-il que ça plaise à d’autres personnes… On verra bien ! (Rires)
Et ce sera toujours en collaboration avec ton dessinateur attitré, Andrew Saltmarsh ?
Oui, bien sûr. On ne sait pas encore si on va s’en tenir au simple concept album, ou si on étendra le projet à d’autres supports. Après avoir sorti « I Like It » de cette manière, ce serait presque barbant de revenir à une simple sortie d’album classique, sans rien d’autre à côté. On aimerait bien se montrer créatifs !
Tu as mentionné plus tôt Arjen Lucassen, avec qui tu as collaboré sur chaque album depuis « The Theory Of Everything » en 2013. Que t’ont appris ces expériences ? Cela a-t-il influencé ta façon de faire avec TOEHIDER ?
Je pense que mon approche est restée la même. Il est important pour moi de ne pas m’en tenir à un seul style. J’essaie d’éviter ça, même si, d’un point de vue commercial, ce n’est pas très astucieux ! (Rires) C’est très dur de trouver un marché ou un public avec ce genre d’approche.
Mais niveau créativité et épanouissement, je ne pourrais pas fonctionner autrement : tous mes albums contiennent de nombreux styles différents.
Il y a aussi cette tendance chez moi à vouloir agacer un peu l’auditeur : quand un métalleux passe d’un titre bien lourd à un morceau de synthpop ou de country, ça va le rendre dingue, et c’est ça qui m’intéresse beaucoup ! (Rires) En tant qu’amateur de musique moi-même, je suis sans cesse en demande de déstabilisation…
Pour revenir à la question, travailler avec Arjen a été une vraie source d’inspiration : tout d’abord, faire partie de l’aventure a clairement aidé les gens à découvrir ma musique.
Et puis, j’admire sa façon de prendre du recul, dans la mesure où tout ce qu’il fait finit en double concept album. Quand tu t’efforces longuement à connecter les chansons entre elles avec un thème unique, tu te rends compte à quel point tout cela demande un travail monstre… Arjen, lui, le fait tous les deux ans ! J’ai un respect et une admiration infinis pour sa conscience professionnelle et l’attention qu’il porte à son travail… C’est quelqu’un de fascinant et de remarquable.
Et les concerts, c’était génial, aussi ! Il y avait tellement de chanteurs et de musiciens talentueux…
Ayreon – Transitus (à paraître le 25 septembre !)
Pour terminer, quelle est ton opinion sur « Transitus », dans lequel tu apparais (sur le titre Dumb Piece Of Rock) ?
Il est excellent ! J’adore l’histoire, et Tommy Karevik (KAMELOT, SEVENTH WONDER, NDLR) réalise l’une de ses meilleures performances. Je pense que la BD et le concept s’associent vraiment bien. Arjen ne cesse de s’améliorer, album après album.
J’étais également libre de faire mes propres harmonies vocales sur le titre. Il voulait que je me lance, et encore une fois, je trouve ça super qu’il m’ait permis d’ajouter ma touche personnelle !