Amanda Somerville est une auteure-compositrice-interprète américaine, principalement connue pour avoir travaillé pendant plus de dix ans au sein de la scène metal européenne, autant en live qu’en studio. En 2011, Amanda crée son propre projet metal : TRILLIUM. Le premier album, sorti en novembre dernier, s’intitule « Alloy« . J’ai eu l’honneur de m’entretenir avec la chanteuse à l’occasion de la tournée de son groupe TRILLIUM, qui a assuré la première partie de DELAIN sur 17 dates, juste avant le concert à Birmingham…
Le groupe a déjà joué une dizaine de concerts avec HALCYON WAY et DELAIN. Comment s’est passé la tournée jusqu’ici ?
Amanda Somerville – C’est génial ! Les groupes étaient faits pour s’entendre. Musicalement, HALCYON WAY est un peu différent, mais DELAIN et TRILLIUM vont bien ensemble, on a donc été bien reçus par les différents publics. On est très contents !
Vous avez joué hier à Paris* pour la première fois. Comment as-tu trouvé le public ?
Ils étaient fantastiques ! C’était à coup sûr l’un de nos concerts préférés. La salle aussi était très belle, et l’équipe locale était très compétente et sympathique. Et puis… c’était Paris. Comment les choses pourraient-elles mal se passer à Paris ?
Vous avez eu le temps de visiter les alentours ?
On a pu voir la Tour Eiffel et Notre-Dame. On a aussi mangé des pains au chocolat et un peu de quiche. Donc en résumé : on a bien mangé, on a pu visiter, on a pris des photos… On s’est bien amusés !
Comment TRILLIUM en est venu à ouvrir pour DELAIN ?
En fait, Sander (Gommans, ndlr) connait les membres de DELAIN depuis un bout de temps. Il a même co-écrit une chanson pour leur nouvel album, je ne me souviens plus du titre ; il a donc récemment collaboré avec Martijn (Westerholt, ndlr). C’est d’ailleurs Sander qui avait conseillé à leur batteur actuel d’auditionner pour eux à l’époque. C’est aussi parce que DELAIN a assuré la première partie d’AFTER FOREVER (ancien groupe de Gommans, ndlr) il y a des années de ça que le lien s’est fait. Et comme la musique de TRILLIUM s’apparente bien à celle de DELAIN, on s’est dit « Pourquoi pas ! ».
Pourrais-tu nous présenter les musiciens qui t’accompagnent pour la tournée ?
Il s’avère que Mark (Burnash, ndlr), mon bassiste, et Paul-O (Paul Joseph, ndlr), le guitariste, sont tous deux originaires de Flint dans le Michigan, comme moi. Je connais Mark depuis environ seize ans ! On s’est rencontrés par l’intermédiaire d’un ami commun, un autre musicien appelé Ashley Peacock. Depuis, on n’a pas arrêté de jouer de la musique ensemble. C’est lui qui s’est occupé des parties de basse sur mon tout premier album solo, « In the Beginning There Was…. » (2000).
J’ai rencontré Paul-O à l’occasion d’un concert d’EDGUY à Detroit. J’étais passé voir le groupe lors d’une visite à la famille, dans le Michigan. Le groupe de Paul-O ouvrait pour EDGUY. Après le concert, il est venu me voir et il m’a demandé : « Hé, vous êtes Amanda Somerville ? ». Depuis ce temps, on est restés en contact et j’ai toujours pensé que c’était un excellent guitariste. Et maintenant, il a rejoint mon groupe !
Simon Oberender, qui s’occupe des synthés, a commencé en tant qu’apprenti aux Gate Studios il y a quelques années, en 2005 ou 2006. C’est comme ça que je l’ai rencontré. Il a décroché son diplôme, ce qui n’est pas une mince affaire. Il est ingénieur du son, un travail très prestigieux en Allemagne. Il a étudié avec Phillip Krause, le batteur, et quand j’ai eu besoin de quelqu’un pour la batterie, Simon m’a dit : « Je connais ce gars, il est fantastique ! ». C’est également rare d’avoir deux ingénieurs du son dans le groupe. C’est l’idéal, parce qu’à chaque fois qu’on a un problème, ils sont là pour nous sauver… (Rires)
Qu’est-ce que tu as l’habitude de faire avant de monter sur scène ? Est-ce que tu t’échauffes la voix ?
Oui. Il m’arrive de ne pas être très sérieuse… Je deviens paresseuse et je ne m’échauffe pas parce qu’il y a trop de monde autour de moi, ce qui ne devrait pas être un problème, mais bon… Mais il est essentiel de s’échauffer, surtout lorsqu’on est malade ou que la voix est plus faible que d’habitude. En général, j’essaie de prendre mon temps. J’aime bien me préparer, m’habiller et me maquiller… C’est amusant ! (Rires)
Parlons un peu d’ « Alloy »: pourquoi avoir enfin décidé de chanter sur du metal dans le cadre de ta propre carrière, après tant d’années à avoir travaillé et collaboré avec d’autres artistes issus de la scène ?
En fait, le déclic m’est venue en 2007. Ça a commencé en travaillant avec Sander sur le projet HDK. Il m’a demandé de lui donner un coup de main pour son projet, et on était tellement impliqués que c’est carrément devenu un projet commun. J’ai aimé tout le processus, de l’écriture à l’interprétation. On était vraiment en phase.
L’année suivante, quand Simone Simons est tombée malade avant la tournée nord-américaine d’EPICA, le groupe m’a demandé de la remplacer sur scène. J’ai adoré interpréter les morceaux en live. Bien sûr, ça s’est fait naturellement puisque, j’ai co-écrit leurs chansons, donc en un sens, elles m’appartiennent aussi. Après tout, je suis un peu le septième membre « pas si secret que ça » du groupe ! Mais c’est le fait de jouer les morceaux en live qui a changé la donne. Sans compter que j’ai accompagné AVANTASIA en tournée par la suite.
Dès lors, la musique que j’écrivais devenait de plus en plus heavy, plus sombre, et je comptais inclure dans mon prochain album solo des chansons telles que Inner Whore et Out, de l’album « Windows » (2008). Mais après, j’ai pensé : « Pourquoi ne pas en faire quelque chose de complètement séparé ? ». Parce qu’il peut arriver qu’on ait envie de se lancer dans une chanson jazz ou reggae… Quoique je veuille faire, je veux être capable de le faire sans avoir à m’excuser ou à me justifier auprès de qui que ce soit.
J’ai décidé de créer un projet solo metal pour que la ligne entre les deux soit bien définie. Au moins, la séparation est claire et net, et pour les fans, et pour moi. C’est comme ça que TRILLIUM est né !
Comment Sascha (Paeth, ndlr), Sander et toi avez procédé pour la composition de ce premier album ? As-tu établi des directives au préalable ?
Je donne toutes les directives ! (Rires) La raison pour laquelle je n’ai jamais rejoint un groupe, étant avant tout une artiste solo, c’est que j’ai besoin de tout contrôler. Bien que collaborer avec d’autres personnes, participer à des projets ou encore travailler avec des producteurs ne me posent aucun problème, je sais exactement ce que je veux pour ma musique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’aime travailler avec Sander et Sascha : on est sur la même longueur d’onde. En tant que guitaristes, leur approche de la composition et de l’écriture est complètement différente de la mienne, car j’ai une approche de pianiste. De ce fait, on se complète, et on arrive à peaufiner l’ensemble. Alors que dans un groupe, ce n’est pas la même histoire… Mes chansons sont à moi, et moi seule ! (Rires) Je n’aime pas partager, à cet égard. Pour moi, être dans un groupe, c’est comme être mariée à cinq ou six personnes… Et c’est suffisamment difficile d’avoir été mariée à une ! (Rires)
La plupart des chansons sur l’album sont nées d’une démo piano-voix. J’écris mes compos au piano, car je ne joue pas de guitare. Ensuite, je fais passer ça à Sascha. Certaines étaient relativement finies, mais d’autres avaient besoin d’être remaniées, comme par exemple Bow to the Ego, qui ne possédait pas de vrai refrain.
Je savais exactement dans quelle direction je voulais aller, et j’ai une image bien définie pour la musique.
Est-ce qu’il y a une chanson en particulier que tu aimes jouer sur scène ?
Pour être honnête, je n’ai pas de préférée. Je les aime toutes, et chacune est unique en son genre parce qu’elle n’ont pas été écrites dans le même contexte. Certaines parlent de ma propre vie, de mes expériences personnelles, de mes relations et observations, d’autres ont été écrites à partir de rêves que j’ai pu faire ou de scénarios que j’ai imaginés. J’aime les extérioriser, même si certaines sont très heavy et pleines de colère… Mais d’un autre côté, cela permet de passer en revue ses sentiments et de s’en purifier, à la manière d’une thérapie. Du coup, on les ressasse sans cesse et on en débarrasse régulièrement le corps. C’est libérateur !
Il y a environ trois mois, tu as de nouveau participé à la tournée Rock Meets Classic ; pourrais-tu brièvement nous parler de ces concerts ? Quel rôle y joues-tu, et comment as-tu été amenée à y participer ?
J’ai eu ce boulot grâce à Mat Sinner, qui a produit l’album de Kiske/Somerville. Notre collaboration a tellement bien fonctionné qu’un jour, il m’a dit : « J’ai un nouveau projet en cours, et j’aimerais beaucoup que tu en fasses partie ».
C’était impressionnant d’être sur scène avec des légendes vivantes telles que Steve Lukather, Ian Gillan ou Dan McCafferty interprétant leurs plus grands succès… Je ne me voyais pas décliner l’offre ! J’ai aussi pu chanter seule ou en duo. J’étais la voix lead des chœurs donc je chantais sur tout le reste. Tout le monde y a trouvé son compte.
Sander Gommans est en train de travailler sur le deuxième album d’HDK. Qu’est-ce que tu peux déjà nous dire à ce sujet ?
Cette fois, ce sera un peu différent que le premier album: il n’y aura pas autant d’invités, mais un chanteur principal qui s’appelle Geert Kroes, du groupe DEAD MAN’S CURSE. Il est fantastique. Sander en est venu à travailler avec lui de plus en plus. Et bien sûr il y aura Sander et moi-même pour l’écriture et le chant.
Ce sera aussi un peu différent musicalement et stylistiquement: c’est toujours Heavy, mais ça se rapprochera un peu plus du style de Sander dans AFTER FOREVER. Bien sûr, c’est totalement différent, mais Sander a son propre style d’écriture qui transparait malgré tout. C’est marrant parce que beaucoup de gens m’ont dit que TRILLIUM sonnait vraiment comme du AFTER FOREVER…
À cause de son style…
Oui, à cause de son style. Je pense que ça n’a rien à voir mais je peux concevoir que les gens voient des points communs.
Peut-être sur Bow to the Ego, sinon je ne vois pas vraiment de ressemblances…
Oui, c’est drôle parce que quelqu’un m’a dit qu’Utter Descension était du AFTER FOREVER tout craché… Sauf qu’elle n’a même pas été écrite par Sander ! (Rires) Les gens entendent ce qui les arrange. Mais bon, si c’est positif pour eux, je prends ça comme un compliment.
Revenons plusieurs années en arrière : ton premier album solo, « In the Beginning There Was… » est sorti il y a douze ans. Qu’est-ce que tu en penses aujourd’hui ?
C’est comme se revoir avec une coiffure horrible à l’époque du collège. C’est difficile pour moi de l’écouter, d’un point de vue professionnel et qualitatif. Je manquais tellement d’expérience ! Et puis, la qualité de la production n’est pas super, ma façon d’écrire était complètement différente… Mais bon, c’est exactement ce que le titre de l’album suggère : « c’était le commencement » et c’est « ce qu’il y avait », à l’époque ! Mais j’en suis quand même fière car cet album est la base à partir de laquelle j’ai évolué en tant qu’artiste. Il faut être fier, mais je suis contente que ce soit derrière moi ! (Rires)
Tu as vu le groupe EPICA devenir de plus en plus important, année après année. Comme tu dis, tu es un peu leur septième membre ! Que penses-tu de leur évolution dans leur manière d’écrire ?
C’est comme pour tous les groupes : au fur et à mesure, on grandit, on change, le style évolue un peu et on peut avoir des attentes différentes de la musique. Je pense que depuis le début, ils sont restés plus ou moins fidèles à leur style. C’était intéressant de faire partie de l’aventure, de les avoir vus grandir et devenir ce qu’ils sont aujourd’hui.
Justement, en parlant d’EPICA, ils vont participer à la prochaine édition du Metal Female Voices Fest, tout comme TRILLIUM… Peut-on espérer un duo avec le groupe ?
Qui sait ? Rien n’est impossible. Je pense que c’est une bonne idée. Nous sommes collègues depuis de nombreuses années, et il est tout naturel que nous nous retrouvions tous dans le même festival, étant donné que la scène de metal symphonique en Europe est un petit monde où tout le monde se connait… (Rires). On va bien s’amuser.
Quels sont les projets de TRILLIUM lorsque la tournée avec DELAIN sera terminée ?
On est en train d’y travailler, et on fait en sorte de continuer à aller de l’avant, de booker plus de concerts… On nous a aussi fait quelques propositions de festivals. On est très contents de la réaction du public sur cette tournée. Nous avons un bon avenir devant nous !
Pour terminer, qu’est-ce que tu aimes faire lorsque tu n’es pas en tournée quelque part ou que tu n’es pas en studio ?
Oh, c’est tellement rare, que cela arrive ! J’aime faire plein de choses. J’adore skier, faire du vélo… C’est que la musique prend une place si grande dans ma vie : c’est ma carrière, mon passe-temps, ma passion… Je fais toujours quelque chose qui a rapport avec la musique, que ce soit jouer du piano ou simplement chanter, écrire des chansons… J’aime aussi écrire en général, je tiens des journaux, j’écris des nouvelles et des poèmes… J’ai un chien, Blitz, que tu as probablement vu dans le passé. Blitz et moi faisons beaucoup de choses ensemble : on fait des balades en vélo, en rollers. Il aime nager, et il aime chanter aussi ! (Rires) Et bien sûr j’aime voyager, et voir mes amis et ma famille est la chose la plus importante pour moi.
Un grand merci à Paul Simons et Amanda Somerville pour leur patience et leur intérêt. Merci aussi à tous ceux qui m’ont suggérée quelques exemples de traduction concernant certaines expressions !
* Le 11 mai dernier à l’Alhambra