Ces dernières années, les fans ont bien compris que la carrière de RHAPSODY rimait avec imprévisibilité… S’il y a bien une formation multipliant les retournements de situation et autres bizarreries de lineup et d’appellations, c’est eux !
On s’est dit qu’un petit récapitulatif s’imposait… (Pour ceux qui ont déjà bien suivi l’histoire, on vous invite à passer les paragraphes suivants).
Déjà, en 2006, le groupe rallonge à contrecœur son nom pour des questions de copyright… Après avoir été RHAPSODY durant près d’une décennie, ils deviennent donc RHAPSODY OF FIRE. Puis, en 2011, les deux leaders, amis de longue date et co-auteurs que sont Luca Turilli (guitare) et Alex Staropoli (claviers) décident de se séparer pour s’occuper chacun de leur version de RHAPSODY.
Le légendaire chanteur Fabio Lione reste ainsi aux côtés d’Alex pour ROF, quand les bassiste et guitariste Patrice Guers et Dominique Leurquin partent avec Luca pour le LUCA TURILLI’S RHAPSODY. Le batteur Alex Holzwarth, quant à lui, reste chez ROF, mais officie en live dans la formation de Turilli. Vous suivez toujours ?
A gauche, Rhapsody Of Fire (2016), à droite, Luca Turilli’s Rhapsody (2015)
Finalement, cinq années et deux albums plus tard, Fabio quitte la barque du ROF, très vite suivi par Alex H.
En 2018, Turilli annonce une tournée célébrant les 20 ans du groupe, avec le retour de Fabio au chant. Ce qu’on ne savait pas, c’est que cette tournée, intitulée « Rhapsody Reunion », marquait également la fin du LT’s RHAPSODY (mais sans son excellent chanteur, Alessandro Conti).
Ainsi, il semblait donc évident que le guitariste en avait bel et bien fini avec ce long chapitre de sa carrière. C’est en tout cas ce qu’il nous disait en mars 2018, juste avant son concert lors de la tournée d’adieu à Toulouse. Et pourtant…
A peine quelques mois plus tard, le voilà à se lancer dans un nouveau projet du nom de (tenez-vous bien) Turilli / Lione RHAPSODY. Car oui, Fabio est de la partie !
A l’occasion de la sortie de leur premier album « Zero Gravity », le 05 juillet prochain, les deux têtes pensantes italiennes nous expliquent TOUT, des origines à la toute récente actualité.
L’année passée, tu annonçais en avoir fini avec RHAPSODY, car tu souhaitais faire un album avec Fabio sous forme de projet, et peut-être faire un album qui ressemblerait à Dreamquest…
Luca – Oh mon dieu, j’ai dit des conneries, vraiment* ! (Rires)
Finalement, qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis, rappeler tous les membres originaux et reprendre le nom RHAPSODY ?
Il faut dire que tellement de choses se sont passées, depuis ! (Rires) Après la tournée d’adieu, qui a été couronnée de succès, j’ai eu beaucoup de propositions. Ce qu’il faut savoir, dans ce genre de business, c’est que lorsque quelque chose marche, les gens se précipitent pour te faire des propositions. On a tenu à faire ce projet tous les deux, Fabio et moi, un peu dans le style de QUEEN.
Le problème, c’est qu’on nous a demandé de faire du metal, et pas du rock, parce que c’est le public metal qui nous connaît. On a accepté de produire de la musique qui reflétait nos goûts musicaux du moment, donc du rock, des éléments prog’, du metal symphonique, un peu de l’ancien RHAPSODY…
On voulait créer un nouveau groupe, du nom de « Zero Gravity » : le management a tout de suite accepté. On s’est donc rapprochés du promoteur, mais lui, en revanche, n’était pas vraiment intéressé. Ou du moins, il exigeait qu’on continue de s’appeler « Rhapsody » pour attirer les anciens fans ! Il était donc clair que si nous souhaitions passer à autre chose et innover, il nous fallait conserver notre ancien nom… Ce qui est paradoxal !
On a quand même élaboré un tout nouveau logo et adopté le sous-titre « Rebirth and Evolution ». Le communiqué officiel est paru avant même de lancer la campagne de financement, car il était important pour nous de nous montrer complètement clairs et honnêtes. Finalement, « Zero Gravity » est devenu le titre de l’album !
Fabio – Dans tous les cas, je ne pense pas qu’on puisse étiqueter ce groupe comme étant du power metal, même s’il y aura forcément quelques similitudes avec les chansons de Luca ou les anciens morceaux de RHAPSODY.
Le fait de vous éloigner du power metal traditionnel en apportant une dimension théâtrale à vos morceaux, comme vous l’avez fait ici, est précisément ce qui peut attirer l’attention des fans, anciens comme nouveaux…
Tout à fait, et puis, à la base, c’est ça que j’adore ! J’avais un groupe, du nom d’ATHENA, avec lequel j’ai enregistré quelques démos en 1992 : ils étaient mordus de DREAM THEATER ! J’ai composé les paroles et les lignes de chant de notre album « A New Religion? », sorti en 1998. Et il n’y avait pas deux morceaux où le chant se ressemblait ! Jusqu’à présent, c’était le seul groupe où j’avais eu cette liberté artistique. On était vraiment sur la même longueur d’onde. Les autres groupes dont j’ai fait partie par la suite sont fantastiques, mais tous réclamaient un chant power metal.
Un revanche, un compositeur tel que Luca offre réellement une liberté d’expression. Dans ce nouveau groupe, il n’y a aucune limite, c’est ça qui est génial !
Peut-être que le problème en 1998 venait des attentes du public et de l’industrie en ce qui concernait le style de RHAPSODY ?
A vrai dire, jamais personne ne nous a dit quoi faire. Avant nous, il y avait du speed metal, mais pas de power metal symphonique, donc on était assez uniques à ce niveau-là. Mais il est vrai que les gens attendaient un chant haut perché, puissant et clair tout le temps. Si par malheur on mettait du chant d’opéra, il fallait y aller avec précaution !
Luca – On a néanmoins des titres comme Forest Of Unicorns, où, pour la première fois, la beauté de sa voix était révélée, et ce, dans un autre registre.
J’ai découvert Fabio avec la chanson Piece Of Time, de son groupe LABYRINTH : c’était quelque chose que je n’avais encore jamais entendu ! Ca m’a vraiment frappé, et je pense que ce morceau a été crucial dans notre histoire.
Turilli / Lione Rhapsody en 2019
Fabio – LABYRINTH était le premier groupe avec lequel j’ai commencé à enregistrer des albums. C’est d’ailleurs moi qui leur ai suggéré un changement de nom, puisqu’à l’origine, ils s’appelaient MORBID VISION…
Ce album a permis à des gens comme Luca de se rendre compte que quelqu’un chantait un peu différemment de ce qu’on entendait à l’époque. Je me souviens avoir reçu un appel de Limb Schnoor, l’ancien manager d’HELLOWEEN, à l’époque de « Keeper ». J’étais encore dans la Marine…
Luca – Ah bon ?!
Fabio – Oui ! Tu n’es pas au courant, mais c’est comme ça que ça s’est passé.
Limb m’a parlé de RHAPSODY. Il m’a dit qu’ils étaient sur le point d’enregistrer leur premier album, et qu’ils cherchaient un chanteur. J’ai reçu une cassette démo…
Luca – Vraiment ?
Fabio – Bien sûr ! J’ai encore deux cassettes en ma possession : une instrumentale, et l’autre avec le chanteur de l’époque, Cristiano. Quand j’ai répondu à Limb, je n’ai pas dit « c’est vraiment bon ! ». Au lieu de ça, je lui ai dit « c’est super original, et absolument unique ! ». J’ai donc sauté dans le train de Pilsa à (prend la grosse voix) Wolfsburg ! Le trajet a duré une journée… (Rires)
Luca – Oh mon Dieu ! (Rires)
Rhapsody, il a fort, fort longtemps…
Fabio – Mais ça en valait la peine, et j’étais ravi du résultat ! Tout ça pour dire que si je n’avais pas enregistré ce premier album avec LABYRINTH, peut-être que personne n’aurait eu vent de mon existence. De la même manière que si Luca et Alex S. avaient signé chez un label italien, tout aurait été différent. Il faut dire aussi que Limb avait du flair pour ce genre de choses. Il avait compris que ma voix irait bien avec leur musique et leur univers. Il a énormément aidé RHAPSODY à nos débuts.
Luca – Et chaque groupe qu’il a soutenu a remporté un succès fou ! (Rires) Si nous avions eu un autre chanteur, je ne sais pas du tout où nous serions, aujourd’hui.
Fabio – Je pense qu’il s’agit d’une combinaison de plusieurs éléments : on peut avoir le meilleur morceau au monde, mais sans les détails par-ci par là pour le mettre en valeur, ce n’est pas pareil.
Pour la petite histoire, on m’a déjà demandé de faire des reprises de RHAPSODY tout au long de ma carrière. Mais les cover bands en question ont beau connaître chaque note, ça n’a décidément pas la même saveur.
Quelles ont été les différences majeures que vous avez notées entre l’enregistrement de « Zero Gravity » et « From Chaos To Eternity » (2011), votre dernier album en commun avec RHAPSODY OF FIRE ?
Luca – Ca a été une vraie surprise ! Pour la tournée d’adieu, on savait que tout coulerait de source, car il s’agissait de morceaux bien établis et déjà existants. Mais pour le studio, c’était une autre histoire, et on ne savait pas à quoi s’attendre… (Rires) Tout s’est étonamment bien passé ! On aurait dit deux personnes complètement différentes. On s’est beaucoup plus amusés.
C’est bien beau d’écrire la musique, mais on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre avec la voix par dessus. La magie s’est créée quand nous nous sommes réunis en studio. De toute manière, on avait pas le temps de penser à quoique ce soit d’autre ! Donc on ne pouvait rêver mieux comme nouveau départ.
Luca en studio pour L/T Rhapsody en 2018
Est-ce que tout le groupe a contribué à la composition ?
On n’a pas changé les habitudes. Il y a toujours eu une synergie avec Fabio.
Fabio – Luca est bien sûr le compositeur principal…
Luca – Mais toi aussi tu fais plein de choses !
Fabio – Oui, mais les gens ne le savent pas, dans la mesure où on s’en fiche, de savoir qui fait quoi. Par exemple, personne ne sait que j’ai composé le couplet de Gargoyles, Angels of Darkness, ou que j’ai contribué à Sea Of Fate, qui, à l’origine, était une ballade.
Luca – C’était la même chose pour les claviers, me concernant : beaucoup de gens pensaient automatiquement à Alex Staropoli pour la composition des claviers, des parties baroques, ou d’orchestre de chambre… Mais ce n’était pas toujours le cas ! (Rires)
Fabio – Quand Luca est parti de RHAPSODY OF FIRE et que j’ai dû me charger de toutes les paroles de « Dark Wings Of Steel » (2013) et « Into The Legend » (2016), j’ai forcément apporté quelques modifications sur les lignes de chant, mais ça ne m’intéresse pas de le dire. Le plus important, c’est le résultat final !
Luca – Je pense que c’est pour ça qu’on a duré autant de temps. On n’avait pas ce genre de conflit entre nous. Et même quand j’écris une chanson, je dois bien admettre que sans le talent de tel ou tel artiste, ça ne vaut pas grand chose. Autant tout jeter à la poubelle !
Quand Nuclear Blast a su que le projet impliquerait Fabio et moi, ils n’ont pas eu besoin de savoir qui d’autre contribuerait. Ils n’ont même pas demandé de démo. C’est vraiment génial ! Et ils étaient bien conscients qu’on ferait quelque chose de nouveau. Markus Wosgien, le chef de promotion du label, m’a fait une confiance aveugle !
Rhapsody – Metronum Toulouse 2018
Parlons de vos tournées à venir : y aura-t-il un claviériste sur scène, contrairement à la tournée d’adieu ?
Luca – C’est moi qui vais me charger des claviers sur la moitié de la performance, et je pense que les fans en seront contents !
Fabio – Un morceau comme Amata Immortale ne contient que les claviers et la voix. On ajoute donc un nouvel aspect à nos concerts. Mais peut-être que Dominique ne sera pas ravi d’avoir une nouvelle charge de travail à la guitare sur certains morceaux ! (Rires)
Comment ont réagi les membres d’ANGRA quand ils ont su que tu étais de nouveau impliqué ailleurs, comme cela a été le cas pendant de longues années avant que tu quittes RHAPSODY OF FIRE ? Ils ont du penser qu’ils t’auraient enfin pour eux tous seuls, et finalement, tu as de nouveau un autre groupe !
Luca – C’est vrai que je ne lui ai jamais demandé… Bravo, bonne question !
Fabio – En effet, c’est une excellente question. J’imagine qu’ils sont un peu réticents. Mais honnêtement, ils ne m’en ont pas tellement parlé. J’ai vu qu’ils réagissaient à nos publications sur la page Facebook. Je sais qu’ils ont bien aimé notre premier single… Dans tous les cas, on avait convenu qu’ANGRA avait besoin d’un an de pause, le temps de composer de nouveaux morceaux et vaquer à d’autres occupations.
Après la sortie du dernier album, « Omni » (2017), on a assuré une centaine de dates ! On va donc prendre notre temps pour sortir des nouveaux morceaux. C’est l’idéal pour moi, puisque ça me permet de me dédier complètement à RHAPSODY. Mais j’espère que ça ne leur fait pas peur ! J’adore ces gars. On a fait deux bons albums ensemble, près de 230 dates en tout…
Vous avez quelques invités sur l’album, dont Elize Ryd, qui a participé à la tournée de KAMELOT avec toi en 2011-2012…
C’est comme ça qu’on s’est connus. Il y avait aussi parfois Alissa White-Gluz (ARCH ENEMY, ndlr) et Simone Simons (EPICA, ndlr), mais Elize était la seule qui, comme moi, a assuré les 49 concerts de la tournée avec le groupe. Et pour être honnête, nos grains de voix s’accordent parfaitement.
Pendant la phase de mixage, on a même eu du mal à reconnaître qui était qui ! C’est comme si elle avait ma voix, mais en femme ! C’est assez fou. Quand on l’a approchée pour lui demander de participer au morceau, elle était en tournée avec AMARANTHE. On était certains qu’elle ne serait pas disponible, mais elle a tout de suite garanti qu’elle se débrouillerait pour trouver le temps ! A ce qu’on en sait, elle est très satisfaite du résultat.
Qu’en est-il de la voix masculine sur le titre très positif qu’est I Am ?
Il s’agit de Mark Basile, de DGM, un groupe italien de metal prog’. Simone Mularoni, chez qui nous avons enregistré, est son guitariste, donc cela a été facile de prendre contact avec lui. Le résultat est vraiment bon, d’autant que sa voix est plus rauque, plus hard rock. Je pense que c’est un de nos morceaux préférés.
Luca – Il y a aussi notre ami Sascha Paeth, qui nous a sauvés sur le bonus Arcanum (Da Vinci’s Enigma) pour les parties de basse, alors qu’il était en tournée avec AVANTASIA ! (Rires) On se rapprochait dangereusement de notre date butoir, et avec Fabio, on a tout de suite pensé à lui. On s’est dits que ce serait une super idée de l’avoir.
Enfin, on accueille Arne Wiegand, de SANTIANO, un groupe de pop rock folk énorme en Allemagne, mais assez peu connu à l’extérieur, alors qu’ils vendent des millions de copies ! (Rires)
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*dit en français lors de l’entretien !