Interview réalisée à Eindhoven (Pays-Bas).
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Telle une suite logique à ses participations aux albums et concerts de Devin Townsend depuis 2009, mais aussi la création du projet THE GENTLE STORM en 2014 avec Arjen Lucassen (AYREON, STAR ONE), Anneke van Giersbergen présente VUUR (« feu », en français), véritable groupe de metal progressif qu’elle a fondé. Avec un album prévu le 20 octobre et une tournée en première partie d’EPICA le mois suivant, il y a fort à parier que l’artiste, au talent déjà reconnu, comblera les fans ne l’ayant jamais quittée depuis son départ de THE GATHERING, il y a déjà dix ans de cela. Rencontre en coulisses avec la très adorable chanteuse, quelques heures après la performance de VUUR, au Dynamo Metal Fest…
Il s’agit de ton quatrième concert avec VUUR. Comment vis-tu les performances avec ce tout nouveau groupe de metal ?
Anneke Van Giersbergen – C’est super ! Je n’ai jamais vraiment quitté la scène metal, même si beaucoup de gens y ont vu un « retour »… Il est vrai que cette fois, il s’agit vraiment d’un groupe en tant que tel. J’adore l’énergie sur scène, et même si j’ai besoin d’être aux commandes, je ne pourrais pas le faire sans ces musiciens ! Nous avons beaucoup joué ensemble avec THE GENTLE STORM, et je savais que c’était le moment pour moi de créer un groupe, mais seulement si eux étaient partants. Ils sont incroyables. En plus, le Dynamo est un superbe festival !
Quel nouveau morceau préfères-tu jouer sur scène ?
J’aime beaucoup celui que nous avons sorti, Days Go By – London. C’est un titre très direct, et énergique. Il contient également ces lignes de chant puissantes… On commence à bien connaître les morceaux. On est bien lancé, même si aujourd’hui était la dernière date pour cet été. Nous avons tenu à faire quelques concerts, afin de nous présenter et d’informer les gens à propos du premier album.
Vuur sur scène lors du Dynamo en 2017
Quel a été l’investissement de chaque membre concernant l’écriture de l’album ?
Même s’il s’agit bien d’un groupe, le fait que je sois à l’initiative de sa formation implique aussi que j’aie un pouvoir décisionnel sur l’aspect créatif. Nous avons deux compositeurs géniaux dans le groupe (elle montre du doigt Jord Otto et Johan Van Stratum, respectivement guitariste et bassiste, qui passaient justement par-là, NDLR) ainsi que Joost Van Den Broek : c’est vraiment notre sixième membre, même s’il fait d’autres choses à côté, comme de la production ou de l’écriture,et qu’il n’est pas sur scène avec nous. Ceci dit, c’est moi qui donne les directives. Et ce n’est pas plus mal : quand un groupe a six idées différentes, c’est vraiment compliqué…
Comme c’était le cas pour THE GATHERING…
Oui, tout à fait. Le fait que six personnes composent dans THE GATHERING donnait un super résultat, car on se retrouvait avec un vrai concept abouti. Mais c’est aussi un processus extrêmement long ! Et je ne veux plus jamais travailler aussi lentement… Il faut dire aussi qu’aujourd’hui, on doit rendre des comptes plus rapidement. Malgré tout, il ne faut pas non plus précipiter les choses, car en définitive, c’est la qualité qui doit être privilégiée. C’est pourquoi je m’y consacre à 100% ! Apparemment, ça fonctionne bien, car on arrive à notre but, petit à petit…
Chaque morceau se concentre sur une ville que tu as visitée dans le passé. Cela faisait-il longtemps que tu avais ce concept en tête ?
Oui. Comme tu le sais, je voyage beaucoup, et quand je me rends dans certaines villes, j’éprouve toujours le même sentiment. Certaines me donnent un sentiment de confort, d’autres sont plus difficiles à appréhender… Je me suis mise à penser : « Je dois écrire sur ces endroits ». Il faut dire que j’écris beaucoup quand je suis en tournée, dans les avions… Les chambres d’hôtel sont idéales, parce que ce sont des petits espaces fermés où on peut vraiment réfléchir. Parfois, je vois une ville comme une entité. Par exemple, London parle du grand incendie de 1666, qui a complètement détruit Londres. Dans les paroles, nous avons le point de vue du feu lui-même, mais aussi le point de vue des habitants, qui demandent de l’aide. J’ai essayé de rendre le tout poétique.
Anneke sur scène lors du Dynamo en 2017
Y-a-t-il une ville dont tu parles mais qui te procure une émotion négative ?
Il s’agit toujours d’endroits que j’apprécie de manière positive, même si ce n’est pas de la même façon. Je songe d’ailleurs à écrire le prochain album sur d’autres villes, car il y en a tellement… Il y a, comme tu dis, des endroits qu’on n’aime pas forcément, mais qui te font ressentir quelque chose de fort. Ça ne serait donc pas une si mauvaise idée d’écrire sur ces endroits en particulier… Le problème, c’est que les habitants de ces villes vont me détester, après cela ! (Rires)
Concernant le titre de l’album, « In This Moment We Are Free – Cities » : pourquoi « In This Moment » ?
À l’heure actuelle, nous vivons dans une ère dite de paix, où beaucoup de choses positives se déroulent. Mais il y a également beaucoup de choses terribles et négatives qui se passent dans le monde. Ceci dit, si nous fermons les yeux, nous sommes libres : je veux dire par là que tout ce qui nous entoure ne compte plus si nous fermons les yeux, même cinq minutes. « En ce moment » même, nous sommes toujours libres. Si nous parvenons à comprendre cela, et si nous pensons tous comme ça, nous pouvons améliorer le monde.
Prenons par exemple Donald Trump : personne ne l’aime. Mais il représente tellement tout ce qu’il y a de plus mauvais et de néfaste, que des petits groupes de personnes commencent à agir par eux-mêmes, car elles ont compris que nous ne pouvons plus compter sur nos gouvernements. Ces groupes décident donc de prendre les choses en main et d’apporter leur aide aux autres. Cela ne serait pas arrivé si le monde n’allait pas si mal aujourd’hui. Loin de moi l’idée d’être polémique, mais tu vois ce que je veux dire… En ce moment, nous faisons le bien, et c’est avec de petits actes qu’on peut accomplir quelque chose. Ce qui est malheureux, c’est que c’est toujours des ténèbres que la lumière ressort : pourquoi ne pas vivre en harmonie dès le départ et toujours attendre de toucher le fond ?
Vuur sur scène lors du Dynamo en 2017
Parlons maintenant de tes concerts acoustiques en solo : tu inclus dans la setlist de nombreux titres issus de tes albums, mais aussi de tes collaborations artistiques. Penses-tu un jour interpréter des titres de THE GENTLE STORM, puisqu’ils existent en version « gentle » (« The Diary », le premier album, contient en effet, d’une part, des morceaux dans leur version metal, et d’autre part, ces mêmes titre en version folk acoustique, NDLR) ?
J’ai en effet pour habitude de jouer un peu de tout lors de mes performances solo. J’aime raconter des histoires… C’est l’opposé de ce que je fais avec VUUR, mais j’aime cet aspect cosy et intimiste.
Cela me plairait, de jouer des morceaux de THE GENTLE STORM, mais j’ai bien peur qu’ils soient trop difficiles à jouer, d’autant que les compos sont plus complexes. J’adorerais faire ça, mais j’aurais besoin d’aide, dans ce cas-là…
Pour finir, peux-tu nous parler de ton dernier tatouage en date (une fleur rouge et une créature dans l’eau sur le bras droit), qui est un recouvrement du cœur dans lequel se trouvait le prénom de ton fils, Finn ?
J’avais dessiné le cœur moi-même, mais je n’aimais plus ce motif. C’est Finn lui-même qui a dessiné ce dragon aquatique. Il est très doué ! Il dessine énormément. Je lui ai donc demandé de me le dessiner. Il est prévu que je me refasse tatouer son nom, ailleurs…
Photos : Emilie Garcin
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Merci à Rob Snijders et Frank Van Liempd !